Four Tet vient de sortir son dernier album Morning/Evening. Ce LP fait suite au magique Beautiful Rewind sorti en 2013. C’est via son label, Text Records, qu’il propose ce nouvel opus, tout comme les deux précédents. Kieran Hebden affirme ainsi sa liberté et chacun de ses récents disques en est la manifestation la plus précise.
Morning/Evening a d’emblée de quoi déconcerter, il s’agit de 2 pistes, d’une vingtaine de minutes chacune. Le ton est ainsi donné, l’album s’aborde comme un voyage plutôt que comme une poignée de singles. Kieran Hebden veut ainsi que l’on prenne le temps d’écouter. Une exigence qu’il est finalement l’un des seuls à pouvoir poser de cette façon, et un acte courageux quand aux modes dominants de consommation de la musique aujourd’hui.
Mélange d’ambient, de house et de musique indienne traditionnelle, Morning/Evening fait tant référence aux ragas indien qu’à la musique new age américaine. La narration à ici une importance capitale et les deux faces sont ainsi constituées pour se répondre tout en déroulant leur histoire propre.
“Morning” démarre tel un morceau de house avec sa rythmique caractéristique, s’habillant peu à peu d’un drone répétant quelques accords nonchalants. Viens ensuite se poser la voix de la prêtresse du Bollywood, Lata Mangeshkar, appuyé par des violons. Ce sample donne une dimension quasi mystique à l’ensemble tandis qu’un synthé new age déroule une mélodie évoquant le maître de l’ambient Laraaji ou encore Philip Glass. A la moitié, une section rythmique complexe presque tribale vient nous secouer avant qu’une mélodie de synthé vienne dissoudre le tout petit à petit.
Evening est l’opposé de la première face (quoi de plus logique) se construisant d’abord autour d’une rythmique faite de percussions feutrées se désintégrant soudainement pour laisser place a un chant indien où une voix sans mot s’élève accompagnée d’un clavier aérien qui éclot petit à petit en une mélodie faisant référence encore une fois à la musique new age des 70s. Le tout se termine avec une longue plage de batterie jazzy au groove résolument house.
Si Four Tet nous a habitué à des morceaux plus conventionnels et plus efficaces, ce disque n’en demeure pas moins l’un de ses plus personnels. Il explore ici son héritage familial (ses grand parents maternels étaient indien) tout en étirant les formats et mêlant avec brio nombres de ses influences, faisant fi des modes et autres attentes, pour se consacrer à la construction de sa propre histoire discographique.
3/5