Comme un éclair dans le brouillard. C’est la sensation qui nous frappe à l’écoute de Żałość, dernier long format en date de Naphta, producteur polonais actif depuis le début des 00’s. Évoluant entre dubstep mental et techno des abysses, il s’embarque sur ce disque dans une direction nouvelle – celle de ses racines. 

« Żałość » signifie deuil, et c’est bien une histoire de douleur, de souffrances même et de catharsis que nous raconte Paweł Klimczak. Il s’est plongé dans la musique traditionnelle de son pays, celle des villages. On pourrait même dire des musiques car elles sont plurielles et multiples : la Pologne est un vaste pays, marqué par une histoire rude et sa structure sociale parfois violente. Les deux ont infusé les traditions et les transmissions, qu’elles soient musicales ou orales. Naptha s’est penché sur celles-ci, ces musiques locales anciennes, directement liées à la société d’alors, violente. Le servage, un esclavage rural qui mettait des familles et parfois des villages entiers sous la coupe d’une bourgeoisie locale, la szlachta, n’a été aboli qu’au tournant du 19ème siècle, et n’a été plus largement accepté par toutes les couches de la société qu’à la fin du siècle. De ces statuts et des rapports de forces qui en résultaient, des îlots de liberté, à travers la chanson notamment, naissaient. Oberki et mazurkas, danses très rythmées à trois temps, étaient de ces échappées-là. 

Ces chants et instrumentations tapissent ce deuil, ce żałość. Naphta, aidé dans ses recherches d’enregistrements et d’archives par celles produites par Andrzej Bieńkowski, piochent dans toute une variété d’instrumentations, de rythmes et de sons provenant de toute la Pologne. Violons, cornemuses et tambours traversent le temps et cognent avec force sur les drums de Klimczak. L’atmosphère est lourde, triste. On entend la douleur poindre, cet héritage d’une violence actée par la société. Les musiques électroniques, dans leurs noirceurs, peuvent rendre ce sentiment encore plus prenant – et c’est le cas sur le dubby « Z pomienionym tańcowanie » ou le très breaké « Kwiecik ». Carrément techno, frontal même, « Rozpust » lorgne du côté du club – mais un club cathartique, brutal parce qu’il le faut pour survivre. 

Plus aériennes, les trois épopées aux côtés de Mala Herba ponctuent le disque d’un sceau du présent – une sorte d’adaptation du vernaculaire, une transposition numérique et neuve. La vocaliste transperce les drums et les patterns dub du producteur : un rayon de lumière au milieu d’un torrent de noirceur. Comme un éclair dans le brouillard. 

Naphta, Żałość
Tańce