Élément incontournable des créations musicales contemporaines, le sampling – ou échantillonage – est à l’origine d’une véritable révolution dans la production musicale, inhérente à l’apparition du numérique dans la création sonore depuis les années 1980.
Si le sampling tire directement ses racines de la musique élaborée par une poignée de précurseurs qui employaient des méthodes similaires dans les années 1940-1950, c’est officiellement en Jamaïque que s’est développé l’art du sampling moderne tel qu’il est connu de nos jours. Précurseur influent de l’évolution de la musique qui s’établit dans les années 1980, même si l’on oublie souvent de l’évoquer, le mouvement dub des années 70 regroupe les pionniers du sampling moderne. Issue du reggae jamaïcain traditionnel, la Dub est un genre musical qui se fonde sur un remixage en live de tracks de reggae. Sa marque de fabrique réside dans une base rythmique solide qui tient son groove du mariage de la batterie et de la basse, dont la texture musicale est enrichie par l’utilisation d’effets sonores variés.
Plus globalement, l’art du sampling a pris le virage de la démocratisation et de la notoriété en se faisant connaître du grand public avec l’émergence du hip-hop et de la house dans les années 1980-1990. C’est dans ces nouveaux genres musicaux que le sampling s’est réellement imposé comme un incontournable, où la « black music » des années 60/70 y est revisitée à foison. De Sugarhill Gang à Snoop Dogg et Dr.Dre, en passant par J Dilla, Notorious B.I.G, Tupac ou A Tribe Called Quest , les beats de hip hop exploitent les samples sans modération. De la même manière, les pionniers de la scène house et techno se donnent à un exercice aigu d’échantillonage, jumelé à l’utilisation de boîtes à rythmes. Ce procédé est à l’origine d’un grand nombre de tracks dans les années 1990, où cohabitent loops de soul, jazz, funk, disco, le tout rythmé par des beats de drums riches et groovy.
Cette nouvelle pratique a largement influencé la scène musicale et considérablement modifié le métier de musicien. Sa naissance a d’ailleurs semé le doute chez plusieurs puristes de l’acoustique qui craignaient pour la musique « organique », autant qu’elle suscita le scepticisme des détracteurs de ce renouveau musical vis-à-vis d’une certaine facilité créatrice. Mais le constat rend plutôt compte d’une pratique qui a ouvert la voie à un nouveau champ musical, que l’on peut englober dans le «tout électronique». Qui plus est, s’ils revendiquent ouvertement une démarche volontaire d’emprunt musical, les adeptes du sampling nous ont prouvé qu’il s’agit avant tout d’un procédé qui s’inscrit au sein d’un mouvement d’expression artistique et créatif, que l’on ne peut réduire à une simple facilité de création. Comme le dit notamment le producteur de house Ludovic Navarre aka Saint Germain, connu pour son habilité unique et son imagination débordante à superposer les samples: « Sampler n’est pas piquer la musique d’un autre. C’est interpréter une mélodie, la déformer à l’envie comme le fait n’importe quel instrumentiste. » Aujourd’hui, le bilan que nous permet de dresser l’expérience consacre finalement le sampling comme un véritable art au sein de l’univers sonore.
Que ce soit du côté des gros hits du mainstream ou des pépites de l’underground, le sampling est devenu un incontournable qui offre une marge manœuvre infinie aux beatmakers et aux compositeurs de musique électronique, et ce pour le plus grand plaisir des amateurs de musique.
Pour mieux cerner cet art qui apparaît de manière plus ou moins évidente dans les différentes chansons, voici un petit répertoire de six tracks House et Hip Hop accompagnées du sample principal qui a été réutilisé.
Les membres du Wu Tang Clan reprennent « As Long as I’ve Got You » de The Charmels pour le beat de « C.R.E.A.M » :
The Charmels – As long as I’ve got you
Wu-Tang Clan – C.R.E.A.M
Le krew Tribe Called Quest fonde l’instrumentale de «Electric Relaxation» sur une boucle empruntée à Ronnie Foster’s :
Ronnie Foster – Mystic Brew
A Tribe Called Quest – Electric relaxation
Sugarhillgang exploite le classique disco : «Good Times» de Chic :
Chic – Good times
The Sugarhill Gang – Rapper’s Delight
St. Germain reprend parmi d’autres les vocaux de Marlena Shaws et plusieurs séquences de «Take five» de Dave Brubeck pour le beat de sa track « Rose Rouge » :
The Dave Brubeck Quartet – Take five
Marlena Shaw – Woman of the ghetto
St Germain – Rose Rouge
Those Guys reprend la mélodie de Jean-Luc Ponty, « Computer Incantations for World Peace » pour « Love Love Love » :
Jean-Luc Ponty – Computer incantations for the world peace
Those Guys – Love love love
Johnick, du label Henry Street, revisite «Celebrations» de Brothers Johnson :
Brothers Johnson – Celebrations
Johnick – A breath of fresh air