Il y a des années où la musique déborde et que de ce flux ininterrompu, bouillonnant et mutant, nous n’arrivons qu’à en capter qu’une infime partie. Rectification : « il y a des années » est en vérité « toutes » les années tant la production, depuis que nous sommes en âge de tenir un clavier d’ordinateur et d’y écrire nos pensées, est complètement démesurée. Rien que d’imaginer toute la musique que nous ne pourrons jamais écouter revient à penser à tous ces films que nous ne pourrons jamais voir, et à tous ces livres que nous ne pourrons jamais lire : un vertige colossal qui, pour ma part, me donne envie de quitter femme et emploi pour ne me consacrer qu’à ce but ultime : tout lire, tout voir, tout écouter. 

Revenons à nos disques de l’année : qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est directement catégorisée comme importante, mise de côté, attendue, auscultée, disséquée pour, in fine, entrer dans notre panthéon personnel ou bien notre top de l’année ? Quels sont les arguments pour non-pas qualifier un disque de chef-d’œuvre et d’autres non – ça, cela relève de la qualité intrinsèque du-dit disque – mais pour s’attarder dessus, prendre le temps, ce temps qui nous manque tant, de l’écouter ? Qu’est-ce qui fait que l’on réussit à se pencher sur une série de morceaux et non sur une autre ? 

À cette équation à multiple entrées où se logent les ficelles du métier, nous avons choisi de répondre par la suivante : non, nous n’avons pas pu écouter tous les disques sortis cette année et par conséquent, notre best-of 2021, à venir demain n’est pas exhaustif. Ni objectif mais ça, vous le savez. 

Dans ce Round Up, nous tentons de faire le point sur quelques œuvres qui, rétrospectivement mais toujours au cœur de la saison des tops, nous ont échappées, pour des raisons diverses mais surtout variées – c’est toute la complexité et la beauté de la chose. Qu’aurait été nos vies, ma vie, mon quotidien, si je m’étais appesanti sur cette compilation de Teddy Larry sortie chez Hot Mule Records ? Réponse impossible, alors en route. Voici nos 10 disques manqués de 2021, en attendant notre best of. 

V/A, Molten Mirrors — A Decade Of Livity Sound (Livity Sound)

10 ans de Livity Sound, label qui a chamboulé nos soirées et nos émois ; cela ressemble à une faute professionnelle d’être resté sur le bas-côté de cette compilation-manifeste-rétrospective. 

Loraine James, Reflection (Hyperdub)

Quand l’IDM rencontre le r’n’b de chambre qui rencontre l’electronica aventureuse, le tout en temps de pandémie : Reflection n’est pas celle de son auteure Loraine James, mais celle d’une année troublée. 

Infravision, Illegal Future (Fleisch Records)

Machine arrière vers des 80’s fantasmées, Pablo Bozzi et Kendall roulent à toute vitesse sur l’autoroute du rétro-futurisme. Sauf qu’ici, le retour vers le futur est mieux que l’original. 

Fear-E, Mechanical Music for Brighter Days (Dark Entries)

« El Bimbo de Oro » aurait dû être notre hymne de l’année – mais comme on est passé à côté, il sera le premier titre joué en 2022. Brut, sombre, douloureux. Comme 2022. 

Teddy Lasry, Funky Ghost 1975​-​1987 (Hot Mule)

On en parlait en intro : quelle aurait été la teneur de mon quotidien si j’étais tombé plus tôt sur cette compilation des travaux de Teddy Lasry, multi-instrumentiste aventureux de la funk ? 

Troth, Oak Corridor (Knekelhuis)

Un disque à l’image de tout ce que sort Knekelhuis, label hollandais dirigé par Mark van de Maat : touchant parce que différent, fait main, et unique.

TAOS, LP (Pont-Neuf Records)

L’écurie Pont-Neuf Records continue de placer ses pions sur une galaxie électronique ouatée et élégante et TAOS en est le dernier exemple : un jazz-house de saison inventif qui s’autorise des crochets par la pop. 

Logic1000, In The Sweetness Of You (Because)

La house mélodique option deep a tellement désertée nos dancefloors et nos écoutes que lorsqu’un EP tel que celui-ci attrape même en retard notre attention, on ne peut qu’apprécier : carré, énergique, à retenir. 

Skee Mask, Pool (Ilian Tape)

Des profondeurs d’une boucle techno ou IDM peut surgir la beauté d’une mélodie au piano : cela n’a que peu de sens, tout comme expliquer la musique de Skee Mask. La ressentir reste la meilleure option. 

Batu, I Own Your Energy (Timedance)

Un EP qui pourrait être un album qui pourrait être un état d’esprit : le futur de la club music percussive s’écrit pour beaucoup à travers Batu et son label Timedance. « I Own Your 2022. »