Leurs oeuvres teintent nos images, les habillent & les subliment. Avec SOUNDTRACK, on part à la rencontre des grands compositeurs de films. Après un voyage vers l’Italie avec les maestro Ennio Morricone, Piero Umiliani et Piero Piccioni, place aux seventies et aux compositeurs de l’Hexagone avec pour un premier épisode, l’ovni sous-marin François de Roubaix.

Si l’on devait ériger un classement des grands compositeurs de films français, côté jazz, facilement on verrait trôner en maîtres Michel Legrand et Claude Boiling. Ensuite, on trouverait plusieurs noms en concurrence – au hasard, Francis Lai, Alain Goraguer ou George Delerue, jonglant entre l’arrangement, le métier de parolier et l’orchestration… Pourtant, il y a bien un nom qui revient de temps en temps : François de Roubaix.

Méconnu pour certains, un génie parti trop tôt – tel Boris Vian, mort trop jeune – le jeune compositeur français aura eu le temps de nous livrer trente BO et de l’habillage sonore par-ci par-là, le temps de trois décennies. Il laisse derrière lui son dernier film devenu culte, Le Vieux Fusil, César posthume en 1976.

Si vous connaissez un peu l’univers du Monsieur, la musique du film Le Dernier Domicile Connu n’a pas de secret pour vous. Alors qu’il aurait dû rester dans l’ombre, François de Roubaix s’est retrouvé comme la référence expérimentale, un poil « retour de hype » dont tout le monde parle. La cause ? La réédition de nombreux de ses albums qui trouvent un nouveau public, les nouvelles générations. Mais aussi une BO jamais sortie et nombre de ses contemporains, comme Carl Craig, qui reprennent les échantillons de ses musiques et glissent quelques samples dans leurs tracks, le travail du compositeur français est bel et bien revu et réécouté.

Né de parents cinéphiles dont un père producteur de films, il baigne vite dans la marmite musique et cinéma. Pourtant autodidacte sans aucune formation musicale, il démarre son histoire avec le jazz à l’époque où tout le monde écoute Sydney Bechet et apprends seul à jouer de plusieurs instruments (trombone, piano et guitare). Doué d’un sens imparable pour la mélodie, il travaille particulièrement sur les sonorités et la diversification instrumentale. À partir des années 70, on commence à retrouver dans ses oeuvres une technique d’orchestration saupoudrée d’une électroacoustique unique. Il pré-enregistre des morceaux de musique classique en superposant des éléments électroniques, via des synthés et machines. 

Les Secrets De La Mer Rouge

François de Roubaix vouait une passion pour les abysses sous-marins et y plongeait régulièrement. Il y laissera sa vie en 1975 lors d’une dernière plongée. Réalisé entre 1967 et 1975, Les Secrets de la Mer Rouge peut alors se penser comme un écho, rassemblant ses deux passions. Pour écrire la BO, de Roubaix utilise des instruments atypiques entre flûtes et conques marines – plus précisément un célesta, un xylophone en cristal. Lors de la dernière saison en 1975, il produit une nouvelle partition musicale combinant nouveaux et anciens instruments, illustrés par le synthétiseur EMS VCS3 subtilement associé avec des instruments acoustiques.

Le Samouraï

Sombre et intriguant, Le Samouraï de Jean-pierre Melville se pose musicalement dans le style qu’on lui connaît : jazz sous-tension, atmosphère inquiétante et suspens à son comble, sublimé par le jeu d’acteur d’un Alain Delon solitaire et mystérieux. La réédition de la BO en 2018 par Decca et Universal rappelle bien ce regain d’intérêt pour les compositions de François de Roubaix.

Les Lèvres Rouges

Malgré une sortie confidentielle en 72, le film retrouve un souffle nouveau avec une réédition vinyle en 2018. Entre épouvante et érotisme, avec des décors sanguinolents et l’incroyable Delphine Seyrig en vamp magnétique, on peut difficilement rester de marbre. Triangle ou même carré amoureux dans un climat fantasmagorique, les thèmes chers du cinéma érotique sont là, parsemés d’hémoglobine et d’un rythme haletant. Mais enfin, revenons-en à l’essentiel : de Roubaix signe une BO de variations sous tensions, excitante et stridente avec des violons en dents de scie, tandis que des acoustiques dans le style d’un Pierre Henry semblent faire des clins d’oeil. On est proche du 10/10 !

On aime aussi L’homme Orchestre, Le Dernier Domicile Connu, Le Saut De L’Ange et les Chapi Chapo !