Pour notre 332ème podcast, nous sommes ravis d’accueillir un artiste assez éloigné de nos habitudes. B:Thorough, producteur et DJ anglais de dubstep et de grime, s’est fait connaître depuis 2018 par ses sorties sur les labels de grime Chameleon, Dream Eater et BlueDollarBillz. On illustrera son style particulier en écoutant avec profit Footsteps (sur BlueDollarBillz), F_ckJFO (pour une dubwar) et Flutter (Dream Eater 004) : dans ces morceaux, B:Thorough utilise pour base des synthés de grime très soufflés pour de larges accords qui donnent toujours, dans des thèmes harmoniques imposants, une texture chaude à la production, ainsi que des profondes basses de dubstep ; il leur ajoute une ligne mélodique souvent cristalline, qui confère une note nostalgique et calme à l’ensemble ; cet ensemble, il s’agit ensuite de le casser au moment du drop, en interrompant, par des rythmes effrénés et hachés typiques de la grime, le sentiment de plénitude construit auparavant. Contraste, donc, entre un aspect mélodique très prononcé, en fait assez classique dans les harmonies choisies, et un aspect rythmique syncopé et endiablé : l’un, sans l’autre, serait sans doute excessif, mais l’union des deux permet de rehausser la saveur des accords parfaits et la force des ruptures rythmiques.

Il nous propose ici une heure de musique, dans une veine qui ne correspond pas tout à fait à ses propres travaux, l’ensemble du podcast construit une atmosphère contemplative, à la fois sereine, triste et résignée. B:Thorough rejoint ainsi une tendance actuelle du dubstep, faite de sons veloutés, soufflés et EDM, qui consiste, en fait, à jouer à fond l’influence décisive de Burial, et, à sa suite, ce qu’on appelle future garage ou post-dubstep. Voix pitchées, samples éthérés, synthés puissants, larges et très soufflés, se conjuguent donc avec une base rythmique en 2-step, pour nous faire entrer dans ce monde à la fois très métallique et très chaud. On remarquera deux choses. D’abord, la technicité du mix, rehaussée par la haute fréquence des transitions : dans un tel style, il est difficile de bien faire cohabiter des morceaux, tant les mélodies et les harmonies sont présentes, et les risques de dissonance très forts. Ce mix, qui met aussi en avant le difficile exercice de sélection, évite ces écueils avec beaucoup de talent. Ensuite, l’art de la construction. Trop de lignes mélodiques peuvent lasser ; c’est pourquoi les vagues d’accords sont ponctuées, comme autant de respirations, de morceaux plus épurés : ainsi cet excellent drop de dubstep vers 6:30, ce track de garage à la 23e minute, le long passage dubstep plus classique autour de la 30e minute, entre autres incursions de moments de bass, de lignes de MCs et d’effluves de garage, plus fréquents en seconde partie de mix.