Fort d’une douzaine de sorties, le label berlinois Salt Mines est peu connu en France. Ses productions de qualité font pourtant mériter une audience plus large à cette maison, fondée initialement à Melbourne en 2015. Shedbug et Rudolf C, directeurs du label et DJs & producteurs reconnus, nous font découvrir son identité dans un podcast.

Rudolf C se distingue, dans ses productions, par une house généreuse, qui, en mêlant des nappes de synthés à des rythmes plus entraînants, sait rendre une large palette d’atmosphères. De l’ambient à la deep house, puis de la house, parfois teintée de sonorités plus techhouse, mais aussi de l’ambient, à une techno calme et triste, ses productions et ses mixes forment un ensemble cohérent, qui se déplace autour des potentialités croisées originelles de la house chicagolaise et de la techno de Detroit. C’est ce qui lui a permis de produire, entre autres, pour Lost Palms, Sensu, Neo Violence – et Salt Mines.

La musique de Shedbug a une signature plus nue et plus crue. Souvent proche de l’electro, Shedbug se reconnaît à un attrait plus grand pour les rythmes de breakbeat et par des sons plus durs, qu’il sait cependant, lui aussi, faire varier en intensité. Il tempère alors ses rudes mélodies par des notes plus chaudes, et habille les syncopes de dynamiques plus régulières, qui tendent vers la house tout en gardant une origine bien différenciée. Il a notamment produit pour Of Paradise, pour Deeptrax Records, et tout récemment pour 1ØPILLSMATE.

Surtout, dépassant leurs propres zones habituelles, les deux producteurs ont réussi à donner à Salt Mines une couleur qui fait plus qu’unir leurs goûts individuels : dans le choix des artistes qui y produisent, tout comme dans la production conjointe des deux artistes (Honey Mushrooms, SALT006), se lient d’amitié les influences chaleureuses de Rudolf C aux sons plus bruts et electro de Shedbug. Le label, qui comporte des sorties de Spacedrum Orchestra, de Reptant, et dernièrement de DJ Barbo$$a (au milieu d’autres), se caractérise ainsi par une ligne de techno breakée, un peu à l’anglaise, aux sons imprégnés de house américaine et des premières boîtes à rythmes.

Dans cette lignée, ils nous proposent un mix complet et abouti qui brode autour de la techno en imprimant une progression générale. Posons en fond de scène la rythmique roulante des percussions : sur le devant des planches, après un début ambient, les mélodies s’épanchent, laissent parler les éléments vocaux, puis s’étiolent. Dans une ambiance des années 90, les percussions insistent et percent, jusqu’à quitter les sonorités Roland pour une présence plus profonde et contemporaine. L’ambiance, jusqu’alors housy, perd en rondeur, devient sérieux, roule toujours, et se mue en mouvement régulier de sons plus agressifs autour de la 22e minute. Le passage plus electro qui suit permet de revenir à un jeu plus doux et de développer un dialogue entre passage de 4-on-the-floor et de breaks, avant que l’intensité culmine autour de la 40e minute dans une empreinte statique et forte. La fin du mix nous dépose, en un dernier crochet, là d’où nous étions partis.

En un mot : bien dans la techno, par un jeu entre ses variantes, ce mix joue à fond les règles du genre, et constitue donc, par sa structure en arche, une excellente démonstration de son étendue.