Le 24 septembre dernier, des centaines de noctambules, animés par une envie de faire la fête, affluaient en masse vers un hangar gigantesque, perdu dans une rue d’Ivry-Sur-Seine. La raison de leur soudaine migration était ce qui est devenu aujourd’hui une référence dans les esprits d’une jeunesse alternative en quête de changement et de liberté : « La Cracki ». Formé début 2010 par Kraft, Sok, Donatien, Alexandre et Antoine, le collectif éléphantesque a évolué depuis, au point d’être qualifié dernièrement comme un des nouveaux acteurs incontournables de la nuit parisienne par A Nous Paris, ou encore d’être élu  label du mois par le magazine Tsugi. Alors que vient de sortir l’EP d’Isaac Delusion et que le label semble connaître le même succès que leurs évènements, nous avons voulu en savoir plus sur ces cinq individus, leurs valeurs et leurs projets. Rencontre avec Kraft et Qosmonaut dans le temple du « Ganesh au vinyle dans la main droite ».

– Alors Cracki ça part de quoi, comment tout a commencé ??

Kraft: Au début ça partait d’un trip avec Donatien. On s’est dit : « Tiens, si on montait un label ! ». On a donc créé une association en janvier 2010 mais il s’est rien passé pendant 6 mois. On avait juste un blog sur lequel on postait des news musicales ou des morceaux qu’on aimait bien. Puis ensuite on a fait une première soirée, on a ramené nos potes qui ont ramené leurs potes et on a vu que ça marchait bien. C’est à ce moment-là qu’on s’est vraiment tourné vers l’évènementiel et qu’on s’est dit qu’il fallait peut-être bien définir une stratégie. Le but des évènements qu’on organisait comme « Le Salon D’Eté » ou « La Cracki » c’était de se faire un nom, de faire découvrir aux gens notre univers et notre esthétique et ce qu’on avait à leur proposer d’original. Et on s’était dit que c’était lorsqu’on aurait acquis une certaine notoriété qu’on se lancerait en tant que label.

– Qui fait quoi dans Cracki ??

K: Antoine et Donatien se sont concentrés sur la production et le label, quant à Sok et moi on s’est plus orienté vers le côté évènementiel du collectif.

Qosmonaut: Mais au final on fait tous plein de trucs, on n’est pas véritablement assigné à une tâche précise !

K: C’est nous cinq vraiment qui prenons les décisions artistiques et d’ordre général, mais depuis peu on a recruté quinze adhérents qui sont souvent là et qui nous aident énormément sur nos évènements. C’est le Cracki Crew ! En fait on fonctionne comme une bande de potes structurée ou comme une grande famille.

– Ce côté familial, est-ce que c’est votre valeur ajoutée pour vos évènements ? Pensez-vous que ça a contribué au succès des Crackis ?

K: C’est vrai que cette année ce genre de soirées dans des lieux originaux, avec de la musique électronique pointue, sont devenus très à la mode. Chaque collectif ou chaque soirée à ses spécificités et c’est vrai que pour les Crackis le côté familial et festif prime sur le reste. Les gens se sentent bien, voient qu’on a fait un effort sur la déco, que le bar est tenu par des potes, que l’entrée et les consos ne sont pas chères… On n’est pas là pour vous niquer et prendre votre fric en parquant mille personnes dans une usine et en balançant du son à fond. Quand tu sors tu as souvent l’impression d’être pris pour une vache à traire, et nous on ne voulait pas donner ce sentiment aux personnes qui venaient à nos évènements. Ce qu’on ne trouvait pas nous et nos potes on l’a créé ici, et on a dit à des personnes qu’on ne connaissait pas de se joindre à nous. On voulait se faire kiffer et faire kiffer les autres, il n’y avait pas du tout d’aspect financier derrière.

Q: Je pense que cette atmosphère a séduit les gens qui étaient venus à la Cracki#1. Ensuite le bouche à oreille a fait le reste et on s’est retrouvé avec 4000 « attendings » sur l’évènement Facebook de la deuxième. C’est vrai que ça a pris beaucoup d’ampleur et qu’on a été très surpris. Mais je pense aussi qu’il y avait un besoin de la part des jeunes de notre âge de faire la fête différemment et de dire stop à ce qui existait avant ; et nous on a un peu satisfait ce besoin en quelque sorte, on est arrivé au bon moment.

– Comment vous placez-vous dans ce nouveau milieu de la fête parisienne et par rapport aux autres collectifs concurrents qui, comme vous, organisent ce genre d’évènements alternatifs ?

K: On ne peut pas parler de concurrents, parce que ces gens-là, on est en contact avec eux et on les connait. Justement c’est super qu’il y ait des petits groupes comme ça, des collectifs  qui se disent qu’il faille faire bouger les choses et qui organisent des évènements innovants et différents de ce qu’on a l’habitude de voir. C’est ce qui fait que les villes et que les choses évoluent. Il ne faut surtout pas se dire que c’est un nouveau créneau et qu’on va se gaver parce que les gens en ont marre d’aller en boîte. Faut que « la fête » reste l’objectif premier.

– Vous n’avez pas peur d’un effet de mode ?

Q: Non parce qu’il reste plein de trucs à faire et nous on continuera à organiser des fêtes comme on aime en faire. On continue quand même à se creuser la tête pour être innovant et chercher de nouvelles idées.

– Justement ce côté familial est-ce que vous l’instaurez entre vous et vos artistes au sein du label ?

K: Ce côté  « grande famille » est propre à Cracki, et c’était sûr que lorsqu’on allait monter le label on aurait continué à fonctionner comme ça. On ne voulait pas être un label avec un tampon Cracki : le mec il nous passe ses sons, on les produit, on les sort et après on en parle plus. Isaac par exemple ça fait deux ans qu’on les connait ; Larcier si on a une suggestion à lui faire sur une de ses prods on la lui soumet. On a même organisé une session d’enregistrement de voix de femmes dans l’appart pour la prochaine sortie du label !!!

Q: On base vraiment la relation qu’on a avec nos artistes sur le partage. On ne veut pas prendre de décisions à leur place ; on travaille sur les projets tous ensemble pour qu’eux soient contents et qu’ils aient confiance en nous et inversement. On veut que nos artistes travaillent dans de bonnes conditions.

– Avec Larcier on est dans une ambiance deep-house ; avec Isaac Delusion dans un univers plus pop/ folk/ électro, comment définissez-vous la direction artistique du label ??

Q: C’est ce qu’on aime avant tout, on fonctionne avec nos goûts. Dans Cracki chacun vient d’un univers musical différent; il y en a qui sont plus rock et folk, d’autres plus hip-hop, et encore d’autres qui n’écoute que de l’électro.  Notre but ce n’est pas d’être un label spécialisé et de produire que de la techno ou que de la deep… Nous on cherche à créer une touche « Cracki », d’être une sorte de label hybride, mettant en avant la diversité et la différence. Un peu dans le style de Warp par exemple.

K: Il y a une cohérence pour l’instant entre les deux artistes qu’on a produits et on va essayer de la préserver avec nos prochaines signatures. C’est un avantage mais c’est aussi un challenge parce qu’il ne faut pas perdre ou décevoir les fans de nos artistes. Mais cette ouverture ça nous permet de ne pas nous enfermer dans un style précis et de ne pas être limité dans notre direction artistique.

         

– Vous n’avez pas fait de sorties physiques avec label, pourquoi ??

Q: Au début ça a été un choix par défaut. La sortie digitale c’est quand même plus facile et c’est moins coûteux. Même si on jouissait de la notoriété de nos soirées, on avait peur de se planter.

K: Mais c’est prévu l’année prochaine de faire des sorties physiques. Là on débute, on a le temps de mûrir et c’est vrai qu’en étant un petit label qui commence on n’aurait pas survécu si on s’était lancé directement dans la sortie de CDs ou de vinyles.

– Agir comme ça, est-ce que cela fait de vous un « label nouvelle génération » ?

K: On ne sait pas encore, mais c’est vrai qu’on veut se différencier des grosses majors ou des labels plus connus. Ce sont peut-être des petites structures comme les nôtres qui vont amener un changement dans la manière de produire et de vendre de la musique grâce à internet et de permettre aux artistes d’être rémunérés. Tout reste à faire et à redécouvrir et c’est ça qui est incroyable !

– C’est vrai qu’il se passe plein de choses dans l’industrie de la musique et dans l’évènementiel aujourd’hui. Comment est-ce que vous imaginez Cracki dans 5 ou 10 ans du coup ?? Est-ce que vous allez conserver cette double activité : le label et l’organisation d’évènements ??

K: Comme je l’ai dit, Cracki ça a été créé pour être un label. On va continuer à organiser des soirées et des évènements parce que pour le moment on aime ça. Mais c’est vrai qu’on réfléchit à créer une structure qui permettrait de continuer l’activité du label et d’organiser nos propres évènements en même temps. C’est peut-être ça le « label nouvelle génération ».

Q: Mais peut-être que dans 5 ans on aura une troisième branche on ne sait pas. Tout va tellement vite aujourd’hui et il faut toujours être innovant.

– A plus court terme, quels sont vos évènements pour 2012 ??

K: La Cracki#3 bien sûr. Elle devait être en mars mais ça a été décalé. Du coup on espère qu’elle aura lieu en juin. On a la pression parce qu’elle est super attendue mais ça va être énorme, on a plein de trucs cools en tout cas ! Sinon, les « Salons D’Eté » annuels ; sauf que cette fois on aimerait en faire trois avec l’arrivée des beaux jours. Il y a aussi les concerts d’Isaac Delusion qui sont en tournée en ce moment et puis des évènements par-ci par-là dont on est partenaire et qu’on soutient.

Q: Au niveau du label on espère deux sorties avant l’été. Le prochain EP de Renart début avril avec un style tout à fait différent de ce qu’on avait pu entendre avec « Voyage Chromatique ». Il nous a vraiment fait un morceau avec une « touche Cracki », un son plus chaud avec des voix, ça va vraiment surprendre des gens. Ensuite, une deuxième sortie vers juin avec un groupe un peu funk, un peu hip-hop, un peu électro … mais qui reste dans notre univers. Et peut-être un nouvel EP d’Isaac Delusion, mais dans un style vraiment différent.

– Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?

K: Moi j’ai bien aimé Rocky ça me rappelle Inner City. J’écoute leur morceau en boucle. Il y a aussi le projet Babylone d’Ekomine sur Coton Tige, je trouve ça assez intéressant. Sinon j’écoute pas mal de trucs à l’ancienne.

Q: Moi je suis dans une période disco et funk, mais j’écoute plein d’autres trucs aussi. J’ai bien kiffé Das Racist.

-Trois mots pour définir Cracki ?

ON S’ENJAILLE !!

L’agenda Cracki:

29 fev → Isaac Delusion / Momo, London
29 fev → DAWN RECORDS & Nuits Sonores party w. I:Cube / Social Club, Paris
1er mars → Isaac Delusion / L’International, Paris
8 mars → Minotor party : Aniara Label Night / I.Boat, Bordeaux
9 mars → Feection party w. Lee von Dowsky, Renart b2b Larcier / Glazart, Paris
15 mars → Isaac Delusion / OPA, Paris

http://www.crackirecords.com/

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Viméo