Son flegme et ses influences pourraient en tout point faire penser que Drew Lustman, plus connu sous le sobriquet FaltyDL, est originaire de Londres. Il n’en est rien : le new yorkais d’adoption, connecticutais de souche, brouille les pistes avec des choix artistiques dignes de la Londres sauvage. Fin 2012, Ninja Tune délivrait 2 EPs du producteur, « Hardcourage » et « Straight & Arrow », annonçant un album parmi les plus attendus de 2013. Il est dans les bacs depuis le 21 janvier.

À ma droite, Ninja Tune, label anglais fondé par le duo Coldcut, parmi les plus solvables de la musique électronique à qui l’on doit la découverte d’un nombre incalculable d’artistes (Scruff, Bonobo, Kid Koala) mais battant de l’aile depuis quelques temps. À ma gauche, FaltyDL, producteur influencé par Chicago, New York, Londres recruté pour redorer le blason de l’écurie des ninjas. : il allie la force de la house et l’obscurité de la dubstep à la rigueur de l’électronica pour créer un tout homogène et rigoureux.

Drew Lustman a démarré sa carrière de façon cahotique. Après s’être enfilé toutes sortes de drogues dans le cornet, il finit en désintox à l’âge de 17 ans, pas même diplômé. C’est à 19 ans qu’il se ressaisit et devient FaltyDL après des apparitions dans différentes formations de rock et de jazz (notons qu’il voue un culte sans limites à Miles Davis). Mike Paradinas, du légendaire label Planet Mu, lui donne sa chance et produit ses premiers disques. Il est prêt à s’envoler. Les sorties s’enchaînent, sur Swamp81, Hemlock, Ramp et All City puis les prestigieux remixes de Jamie XX, Scuba, le fils de Fela Kuti et consorts le font connaître à plus grande échelle. Il commence alors à collaborer à distance avec MachineDrum.

Il fait partie de ces artistes complets qui à la fois produisent, mixent, remixent, et gèrent un label (Blueberry Records qui collabore avec Ninja Tune sur Hardcourage). FaltyDL est un homme pressé, occupé qui n’a pas le temps de niaiser. Et ça se sent dans son travail. Il est également capable de faire le grand écart entre toutes les ramifications du UK Garage et de la house classique pour le plaisir de toutes les oreilles, sa large palette musicale lui permettant de prendre le meilleur de chaque genre.

Pour ce 3ème album, la communication a été mûrement réfléchie et 2 EPs et 2 excellents clips ont teasé sa sortie. Parmi les remixers, on retrouvait Mike Q et Four Tet, pour une fois de plus attester de son ouverture. Stay I’m changed annonce la couleur : petite montée en puissance au début de l’album qui réveille en douceur. La pression redescend tranquillement avec She sleeps, ôde à la joie, faisant figurer le frontman de Friendly Fire. Puis Uncea remet un coup d’accélérateur avec son piano stressant et ses breaks douloureux. L’album continue ainsi, passant de morceaux lents à d’autres plus énervés. On ne sait pas vraiment comment chaque piste finit, c’est à chaque fois des surprises, agréables ou décevantes (Kenny rolls one). Certaines chansons, en dehors de ses singles, telles que Korbel Dallas ou Bells tirent l’album vers le haut et FaltyDL s’en sort finalement pas trop mal.

“Hardcourage” est globalement difficile d’accès et nécessite de répéter les écoutes pour se l’approprier. Malgré son ouverture d’esprit, FaltyDL peine à faire accrocher directement son audimat qui est plusieurs fois tenté d’appuyer sur le bouton « Suivant ». Il est toujours difficile de passer de l’EP à l’album, mais Drew ne nous a pas menti et conserve la même lignée, parfois poétique, parfois rétro. Contrairement à certains albums qui deviennent insupportables après 3 écoutes, celui-ci s’apprécie après un peu de persévérance, et c’est ce qui fait son charme.

D’après Pitchfork, « Hardcourage » est né d’une nouvelle relation amoureuse de son créateur, en témoigne la pochette montrant 2 visages qui s’entrelacent (le visuel est d’ailleurs excellent). On ne s’en étonne pas tant le disque est moins froid et orienté club que ses prédécesseurs mais définitivement plus tourné vers le rêve et, pourquoi pas, l’espoir.

@CyprienBTZ