Burial a.k.a William Bevan dans la vie civile, dont la musique nous est parue aux oreilles pour la première fois il y a 10 ans tout pile, constitue un monument de la musique électronique contemporaine anglaise. Pour l’occasion, nous revenons sur le premier disque éponyme de l’anglais, sorti en 2006 et qui semble n’avoir pas pris une ride. 

2006, Londres vit les débuts d’un genre encore frais que l’on appelle le Dubstep, influencé majoritairement par des b-sides de singles garage et jungle, et porté principalement par le crew DMZ. C’est dans ce contexte que le jeune William Bevan, nostalgique d’une époque de raves sauvages, qu’il n’a pas connu, mais dont la musique lui est parvenue par ses aînés, va se mettre à créer une musique hybride et personnelle sous le nom de Burial. C’est au détour de quelques échanges de mails avec Kode 9, alors sur le point de créer Hyperdub, figure désormais centrale de la scène Dubstep, que le jeune producteur décide de lui envoyer une poignée de morceaux, de ce qui constituera le premier disque du label. Composée entre 2001 et 2006, cette collection résume les ambitions et l’intention claire de Bevan de créer une musique squelettique, du 2 step sombre évoquant des maîtres tel que El-B ou Digital. Utilisant pour cela un simple logiciel d’édition audio et des sources à sa disposition, comme des musiques de films, jeux vidéos ou des voix R’n’b, Burial va créer un ovni dans la galaxie Dubstep anglaise, empreint de mélancolie et d’une nostalgie pour un monde désormais perdu. L’album sort en mai 2006 et est encensé par la critique, ce qui attire rapidement l’attention sur le jeune producteur, qui ne semble pas très à l’aise avec ce succès, préférant garder l’anonymat,  créant involontairement, au passage, une véritable mythologie autour de sa personne.

10 ans après, le disque semble n’avoir pas vieilli, comme figé dans une faille spatio-temporelle. Car pour quiconque ayant parcouru les rues de Londres au XXIème siècle, la musique de Burial semble tout droit sorti de ses trottoirs les plus sombres, captant une atmosphère suintant des immeubles ou du ciel, humide et pluvieux, des jours d’automne. C’est que le producteur affectionne particulièrement noyer ses constructions sous diverses couches sonores, souvent issues de son environnement urbain. Cela confère un caractère presque intemporel à ces morceaux, véritables photographies d’une époque se rêvant un passé tout en étant propulsée inlassablement vers un avenir inconnu, à des vitesses insaisissables. L’utilisation de samples vocaux issus de tubes R’n’b du début des années 2000, déformés pour tenter de reproduire les voix dub que l’on pouvait entendre dans la jungle ou le garage des 90’s, a sans doute également contribué à solidifier le propos du disque, renforçant avec le temps le sentiment de nostalgie qui l’imprègne. L’album contient également un duo avec The Spaceape, figure lyrique du dubstep et de la grime, disparu en 2014, appuyant le côté fantomatique de l’univers du producteur anglais.

Cet univers et ses sonorités se sont depuis insinués dans nombres de productions, influençant des artistes tels que SBTRKT, Four TetFlying Lotus et autres figures populaires de la dernière décennie. Pourtant, la discrétion de Burial l’a finalement confiné dans un statut d’éternel outsider, une présence fantomatique apparaissant de temps en temps au détour d’une collaboration ou d’un disque, mais jamais en public, comme n’existant qu’au travers de cette éternelle solitude dont témoigne sa musique. Il est surprenant de voir à quel point il se nourrit de la pop culture, lui portant un regard des plus singuliers, nous transportant dans un passé irréel n’ayant jamais eu cours, où des souvenirs s’affrontent et s’inventent.

On vous laisse avec une playlist contenant une partie des morceaux ou dialogues samplés par Burial sur son disque éponyme, et le contraste entre sa musique et ce qui l’a nourrie saura sans doute en dire plus long sur ce personnage insaisissable et surprenant que n’importe quels mots.