Leurs oeuvres teintent nos images, les habillent & les subliment. Avec SOUNDTRACK, on part à la rencontre des grands compositeurs de films. Après un passage par l’Italie et ses maestri de la pellicule, on vient défricher un nouvel axe de la musique de film avec les compositeurs de l’Hexagone des années 70. Après un premier rendez-vous avec l’ovni sous-marin Français de Roubaix, place à l’atypique expérimentateur Michel Magne.

De l’avant-garde à la pop – 1950

Curieux personnage du Saint-Germain-des-Près déjanté des années 50, Michel Magne va vite se faire remarquer. D’un côté compositeur avant-garde, dans l’ombre de son studio. De l’autre, mondain et turbulent, il traîne avec Boris Vian et Françoise Sagan, à une période où le dadaïsme et le surréalisme font figure de terrain de chasse artistique.

Il va ainsi réaliser ses premiers enregistrements dans la musique concrète, avec des disques dit “d’ambiance” combinant éléments naturels et machines dernier cri. Fasciné par exemple par les ondiolines et claviolines, instruments des années 40 que l’on compte parmi les toutes premières machines électroniques, il décide de créer un septuor d’instruments avec ses amis. Développant là des travaux assez proches de ceux de Pierre Schaeffer et Pierre Henry à la même époque à la radio. Des expérimentations acoustiques et bruitistes que l’on retrouve sur l’album de percussions Tropical Fantasy.

Vite éreinté par la critique musicale parisienne qui ne comprends pas le concept, le jeune Michel Magne, se voit consolé par son ami Boris Vian et se tourne vers la production de musique de film et la musique pop. Vian, alors directeur artistique chez Philipps, lui conseille de travailler pour certaines recrues pop du moment. C’est ainsi qu’il travaille pour les arrangements d’Henri Salvador, Juliette Greco, ou encore durant les débuts de Dalida et Nicoletta. Dans un autre registre, il réalise les orchestrations pour le ballet spectacle Le Rendez-Vous Manqué, avec les textes et la voix de l’autrice Françoise Sagan. Un évènement qui va connaître un grand succès et les amener à réaliser une tournée mondiale.

SOUNDTRACK • 1960 – 1970

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la composition de musique de film chez Magne n’est pas un choix mais une nécessité. Préférant l’avant-garde à la pop des musiques de films, il se dirige dans cette direction pour des raisons financières. Impensable quand on regarde l’étendue et la pertinence de ses compositions.

Du haut de son palmarès de 110 BO, il écrit aussi bien pour le cinéma d’auteurs que les films grand public, et les séries télévisées. Sa période la plus fertile se trouvant entre 1960 et 70, les pellicules se teintent de noir et de blanc et mettent en lumière certains grands classiques du cinéma.

Tel un certain François de Roubaix, il compose pour les films d’Henri Verneuil avec Un singe en hiver et Mélodie en sous-sol, porté par le trio gagnant Delon, Gabin et Belmondo. Mais aussi pour les films de George Lautner avec Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Lefebvre et Francis Blanche, (Les tonton flingueurs, Le monocle qui rit jaune, Les barbouzes, Galia), de Roger Vadim (Le repos du guerrier, Don Juan 73, Le vice et la vertu) et de Costa-Gavras (Compartiment tueurs). Côté série, il travaille à quatre mains avec André Hunebelle pour les séries télévisées emblématiques sixties Fantomas et OSS117. La notoriété grandissante, il va vite passer de simple compositeur à compositeur de référence et travaille même avec Gene Kelly pour le film Gigot, le clochard de Belleville, oeuvre qui lui vaudra même un Oscar pour sa bande-originale.

Mélodie en sous-sol (Henri Verneuil), Compartiment tueurs (Costa-Gavras), OSS 117 : Furia à Bahia, Fantômas (André Hunebelle), Emmanuelle 4 (Francis Leroi)

Le château d’Hérouville ou l’invention du studio résidentiel

Au sommet de son art, Michel Magne accomplit ce qui fera bientôt acte dans l’histoire : la découverte et l’installation d’un studio au château d’Hérouville, situé dans le Vexin, au nord-ouest de Paris.

Découvert en 1962, les fresques du domaine ont vu passer les amours impossibles de George Sand et de Chopin… D’une certaine manière, le lieu faisait déjà un véritable sanctuaire musical..

Après de grands travaux, il s’y installe au milieu des années 60 et commence à réaliser de somptueuses et fastes réceptions où le tout Paris de la musique et du cinéma se rend chaque week-end. Puis la cadence s’accélère, et les convives défilent. On passe de 130 couverts pour les grands jours et 30 couverts les jours normaux. En plus de son cercle rapproché, Michel Magne, pour rendre rentable son activité, fait venir des musiciens à s’enregistrer dans le studio du château.

Jusqu’en 1969, Magne mène la vie de château sans tracas. Puis un drame va secouer la vie de rêve qu’il mène lorsqu’un incendie se répand dans une aile du château, et détruit tous ses enregistrements d’avant-garde et de musique de films. De fil en aiguilles, il va donner la gestion du château à son copain Laurent Thibault (co-fondateur du groupe MAGMA) qui va les amener à connaître de nouveaux jours de gloire en faisant venir enregistrer les plus grandes stars rock pop des années 70 : de David Bowie à Elton Jones en passant par les Pink Floyd, Cat Stevens, T Rex, les Grateful Dead… On retrouve également un certain Dominique Blanc-Francard qui fait ses débuts et aide Magne entre 1970 et 1973 côté ingénieur du son.

Une période suspendue où création et innovation, amèneront sans le savoir Michel Magne à créer le premier studio résidentiel, le concept de résidence où les artistes sont logés sur place durant une longue période n’existant pas encore. Tandis que les stars internationales défilent pour s’enregistrer dans son studio sur-mesure, Magne marque là encore un nouveau chapitre dans son talent d’expérimentateur avant-garde.

Impossible de faire l’impasse sur le chapitre d’Hérouville et la création du concept de studio résidentiel, période si créative dans la vie du compositeur de films. Un parcours déjà pourtant bien rempli par ses oeuvres avant-gardes et ses nombreuses signatures soundtrack : pour vous laissez vous imprégner par sa musique, entre musique de film et compositions, on vous dévoile un condensé de ses plus grandes oeuvres.