Pour le deuxième acte de l’anniversaire de Phonographe au Rex Club le 17 novembre prochain, nous avons choisi d’inviter Kyle Hall, aux côtés de FunkinEven et Simo Cell. C’est l’occasion, pour nous, de compléter un Top du label Wild Oats (qui, pour rappel, fut fondé en 2008 par Kyle Hall, à seulement 18 ans) avec une courte sélection commentée, le label ayant évolué depuis, et sorti quelques pépites.

Pourquoi Wild Oats, et d’où vient que ce label marque toujours autant le paysage de la musique électronique ? En 10 ans d’existence, le label de Detroit compte seulement 38 sorties à son actif, signe d’une certaine exigence de la part de Kyle Hall, sous sa casquette de directeur artistique. Parce qu’il est facile, toujours, de s’égarer dans une house funk trop lisse : on entend beaucoup de musiciens qui tentent tant bien que mal d’imiter ces tons à la Wild Oats, Eglo ou Apron. Un type de house bien particulier, infusé de jazz : seulement, le jazz, quand il n’est pas porté par d’excellents musiciens, reste inévitablement insipide, une suite d’accords de septième se voulant audacieuse. C’est justement l’écueil dans lequel ne tombe pas Wild Oats, et ce sont justement ces morceaux qui sortent de l’ordinaire que nous voulons vous inviter à découvrir, à travers cette sélection d’abord, et puis en direct, face à Kyle Hall au Rex Club le 17 novembre prochain.

Kyle Hall, “Inverse Algebraic” (From Joy, 2015)

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=dQijS5QheMA&w=560&h=315]

“Inverse Algebraic” a ceci de particulier qu’il se désincarne et se désarticule sous tous ses aspects : le premier pattern rythmique, déjà, joue sur le déséquilibre ; puis lorsque l’on s’y habitue, c’est la mélodie qui se brise et se heurte sur les rythmes hachés. Alors, chaque élément, petit à petit, prend la place qui lui est due, et cette même mélodie construit sa continuité ; et dès lors que l’équilibre se fait, Kyle Hall insert de quoi briser à nouveau cette régularité. A écouter absolument, donc, pour le sens de la progression du musicien, et le savant balancement sur le fil du déséquilibre.

Byron The Aquarius, “Exxxtasy” (Gone Today Here Tomorrow, 2016)

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=Ui8wWbAkTHY&w=560&h=315]

Dans “Exxtasy”, le bien connu Byron the Aquarius joue à merveille avec cette house infusée jazz-funk caractéristique de Wild Oats. Non seulement les accords ont un intérêt en soi, mais on notera aussi l’arrière-plan sonore massif, discret mais dont la présence donne un aspect étrange au tout, comme une sorte de masse sonore gluante, occupant l’espace. Le morceau, ainsi, gagne un relief conséquent, s’équilibrant entre des accords chaleureux et cette touche d’étrange.

K15, “Look (Beyond You)” (Speed Of Life, 2017)

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=jxcBSHcw_wI&w=560&h=315]

Dès le premier motif du piano, une note ostensiblement dissonante se glisse. Alors que le reste est plutôt lisse, cette petite dissonance infuse tout le morceau et laisse la phrase mélodique en suspens. Et si l’on met à part cette phrase, qui prend de plus en plus de place dans le mixage, “Look (Beyond You)” a quelque chose de très confortable pour son auditeur : sa progression a ceci d’intéressant en ce qu’elle est, justement, très progressive, et présente peu de ces ruptures habituelles qui traversent la musique électronique. On souligne aussi avec plaisir la diversité des éléments mélodiques, qui ne cessent d’évoluer, et la texture très pleine du morceau.

Kyle Hall, “DSP (Dear Sweet Potatoe)” (Eutrophian Sevan, 2017)

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=Uv4IcH4eOEk&w=560&h=315]

“Dear Sweet Potatoe” a évidemment sa place ici – sans doute aussi pour son titre, il faut l’avouer. Mais surtout parce que ce morceau est très bien réalisé : la texture n’est pas commune, s’enrichit de modulations harmoniques, et les décalages rythmiques, comme toujours avec Kyle Hall, sont brillamment mis en oeuvre. L’équilibre est impeccable entre les motifs mélodiques très lisses et le pattern rythmique breaké, décalé, à la texture saturée, rêche.

Q’D’, Pure Amethyst, 2018

Et, pour finir, un des derniers-nés de cette année : l'EP Pure Amethyst du producteur de Detroit Caron Miller. Alors qu'on croit plonger dans quelque chose de trop gentil, avec une petite mélodie cristalline et circulaire (davantage qu'une mélodie d'ailleurs, entre un rôle mélodique et un rôle textural), un arrière-plan très rêche se met en place. La mélancolie portée par la petite mélodie circulaire et mouvante se trouve alors doublée d'éléments beaucoup plus sombres, d'une petite touche d'inquiétant.