Comment s’habillent les DJs ? À cette question pas commune ont tenté de répondre DJ Deep et Chaotic Harmony, recueil d’obsessions musicales et vestimentaires sorti sur Headbanger Publishing, maison d’édition du label connu de tou.te.s. Ou plutôt, comment raconter un pan d’histoire des musiques électroniques, des États-Unis jusqu’en Europe, à travers un objet a priori dénué de sens musical ? 

Dans cette oeuvre, le boss du label Deeply Rooted, pilier d’une scène française prompte à oublier les figures tutélaires a fouillé dans ses archives autant musicales que vestimentaires pour en tirer un petit précis de l’électronique, au sens large. Underground Resistance, Moodymann, Cajmere, Neroli : Chaotic Harmony affiche les couleurs de labels, artistes et maisons qui ont marqué un mouvement. L’occasion pour nous d’échanger avec lui sur la sape, et la musique. 

Hello Cyril ! J’espère que tu vas bien. Comment s’est passé ton été, et cette rentrée ? J’imagine que tu as pris le chemin des clubs à nouveaux. 

L’été a été productif, j’ai pu travailler sur les dernières retouches de Chaotic Harmony. La reprise progressive des clubs est effectivement un soulagement, mais nous restons tous vigilants sachant que la situation est fragile

Tu sors donc Chaotic Harmony, sur Headbangers Publishing. On connait l’obsession de Pedro Winter pour les t-shirts, publier un recueil comme celui-là chez lui prend tout son sens ! Comment est né le projet ? 

Nous parlions d’un t-shirt MAW (Masters At Work) de la WMC (Winter Music Conference, à Miami) ou ils faisaient leurs légendaires soirées. C’était le lieu où l’on pouvait récupérer les promos vinyls tant convoitées et les « goodies » tels que ces t-shirts.

Peu après cette discussion je classais ma collection de t-shirts dont le fameux MAW, et j’envoyais des photos à Pedro, il m’a dit « on fait un projet ! » Puis, de discussions en discussions, l’idée de partager des anecdotes, de faire des playlists des labels correspondants aux t-shirts est née. 

Pedro a eu l’idée de solliciter la talentueuse photographe Emma Le Doyen ainsi que la non moins talentueuse directrice artistique Laure-Anne Kayser pour donner vie aux t-shirts, avec des photos « fixes » un peu comme un catalogue. Mais aussi avec des photos de danseurs mis en scène dans une boite de nuit éphémère le temps d’un shooting. L’idée maitresse était pour Pedro et moi-même la transmission, que cette collection serve de support à raconter une passion, et j’espère à la transmettre !

Question (très) importante : si tu ne devais garder qu’un t-shirt parmi cette collection, cela serait lequel ? 

Ah ! C’est trop difficile. Je crois qu’un des deux t-shirts représentant Larry Levan qui m’ont été offerts par Alex From Tokyo serait celui que je garderai, mais j’ai encore du mal à choisir entre les deux. Disons celui illustré par Keith Harring.

La collection – et le filtre que l’on y met – fait partie du travail d’un DJ. Est-ce que tu t’es appliqué de la même façon pour les t-shirts depuis tes débuts ? 

Je suis un amoureux de musique avant tout, j’ai donc collectionné la musique avant tout ! Comme je l’explique dans Chaotic Harmony, les t-Shirts de labels emblématiques tels qu’Underground Resistance, nous les portions avec fierté, c’était une proclamation. « A Revolution For Change », « Break The Chains In Your Music », ces messages nous les arborions fièrement ! Je n’ai pas pu garder ou acquérir tous les t-shirts que j’aurais souhaités, mais dans cette Chaotic Harmony, je trouve qu’on retrace une belle histoire. 

Avoir une pièce d’un.e artiste ou d’un label a toujours une valeur sentimentale forte. Est-ce que tu te souviens de chaque achat ?

Presque, mais je ne me souviens pas de chaque perte, ce qui m’ennuie le plus. Comment ai-je pu perdre mon sweatshirt DNH ? Et mon sweat Dancetracks ?!

Je me souviens lors de mes visites à Détroit faire une razzia chez Submerge de t-shirts de différents labels de la ville. Je me rappelle Carl Craig, que je rencontrais alors pour la première fois, m’apportant affiches et t-Shirts Planet-E de chez Derrick May. Je me souviens des arrivages chez Bonus Beat à Paris, ou la valeur de l’argent s’évaporait dans mon esprit quand face aux innombrables nouveautés US s’ajoutaient les t-shirts Relief…

Cajmere, Moodymann, UR, Masters At Work, Dance Mania… C’est toute une histoire des musiques électroniques, mais côté US. Est-ce qu’il y a des pièces de ta collection qui viennent d’Europe ?

Oui bien sur, le très beau t-Shirt de Doze Green pour le groupe anglais New Sector Movement, celui du label de mon ami Volcov, Neroli, ou encore le label Morthertongue. Mon label également, Deeply Rooted.

Autre question primordiale : tu possèdes combien de t-shirts ? 

Quand on aime, on ne compte (plus) pas !

 

Chaotic Harmony,
Headbanger Publishing
photographies : Emma Le Doyen