N.M.O est certainement l’un des duos de musique électronique les plus atypiques et les plus intéressants du moment. Rubén et Morten présentent avec N.M.O un projet ludique et sans compromis, tant sur leurs disques que sur scène lors de performances interactives. Leur premier album “Nordic-Mediterranean Organization / Numerous Miscommunications” est paru sur l’incontournable label de Powell, Diagonal. Cela en dit long sur l’esthétique et l’approche décalée qu’ils défendent, tout autant que du sérieux de leur démarche. Ils ont également sorti des maxis pour une poignée de labels comme les influents Where to Now? ou The Death Of Rave. A l’occasion de leur passage au Terraforma, pour lequel ils ont conçu une performance spécifique et inédite, nous sommes allés à leur rencontre. Entretien.

Comment est-ce que vous vous présenteriez ? Pouvez-vous expliquer ce que veut dire N.M.O ?

Morten : Nous sommes un duo de musique militaire de l’espace et/ou de Fluxus Techno. N.M.O est un acronyme du genre cryptique, qui change tout le temps. 

Rubén : Tout a commencé avec Navnlaust Mønster Opptog, un long nom norvégien qui signifie quelque chose comme “défilé de motifs sans nom”. 

M: On a commencé avec plus l’idée d’une démonstration, une expérience scientifique, par exemple exposer un tableau de basiques appartenant à un catalogue, un défilé de motifs, puis on s’est laissé distraire. 

R: Quelque part nous n’aimions plus le nom et nous l’avons changé en Navngitt Mønster Opptog mais très vite nous avons voulu changer à nouveau. Ensuite, on a réalisé que c’était plus drôle de le changer tout le temps. 

Parlez-nous de votre éducation musicale…

R: Mon éducation est surtout visuelle. Au lycée j’étais plus dans le dessin. Cependant, j’avais l’habitude d’écouter beaucoup la radio et faire mes mixtapes avec mes morceaux dance préférés. Ce n’est qu’au début des années 2000 que j’ai commencé à faire de la musique sur un PC, et expérimenté avec un éditeur de sons. A l’époque les ordinateurs étaient très visuels et assez rapides pour que même avec peu de connaissances en informatiques ou en musiques, je puisse faire des collages sonores rudimentaires. 

M: Mon éducation est plus musicale, peut être plus traditionnelle d’une certaine façon. Mes parents ont acheté un piano lorsque mon frère, qui a 6 ans de plus que moi, était très jeune, donc il a toujours été là depuis mon plus jeune age. Ça et aussi mon père me passait des disques et me faisait deviner de qui il s’agissait et ce que c’était, de telle sorte que j’ai été habitué à reconnaître différentes façons de faire de la musique. Je crois que j’ai commencé à utiliser un ordinateur dans les années 90, mais mes premières expérimentations avec eux étaient plus avec les logiciels de notation et le MIDI, et peut être CorelDraw, pour écrire des partitions pour des performances, et petit à petit je suis passé de l’enregistrement sur bande à l’enregistrement avec soundblaster16 (pour éventuellement retourner sur bandes par la suite).

Depuis combien de temps jouez vous ensemble et comment le projet N.M.O a-t-il démarré ?

M: Ça va faire 5 ans maintenant. On s’est rencontré dans des salles au milieu des années 2000 mais on a seulement décidé de commencer à faire des trucs ensemble des années après. C’était comme un nouveau départ, mais ce fut beaucoup de travail ! 

R: Oui, tout a commencé à Berlin. On allait aux même concerts et dans les même bars. C’est venu d’un besoin de se rapprocher du dancefloor qui incluerait des éléments non liés à la club music. 

Travaillez-vous différemment pour un disque et une performance ? Si tel est le cas, pouvez-vous expliciter les différences fondamentales dans votre façon de faire ou votre état d’esprit par rapport à chacun ?

M: Quelque peu différent oui, mais pas tant que ça pour l’essentiel en réalité. Nos disques sont tous basés sur une approche live où nous jouons dans la même pièce et enregistrons avec une poignée de micros. Ensuite, le tout est abondamment édité. Parfois nous retournons enregistrer et répéter des choses après avoir édité. Idéalement, ce qui finit sur le disque est une seule prise avec peu de post-production. C’est extrêmement rare ceci dit. 

R: Oui c’est beaucoup de travail, où nous appliquons notre devise du “aussi strict que possible”. 

Vous semblez être vraiment intéressés par la performance, vous contrôlez les lumières et bien sûr la musique et le son, comment est-ce que vous imaginez tout cela ? Qu’est ce qu’une bonne performance selon vous?

R: J’aime voir l’aspect performance  comme la conséquence de l’utilisation d’ordinateurs et en particulier la programmation d’environnements où on peut automatiser des processus de génération sonore. J’ai toujours trouvé des comportements de programmation ou des séquences plus intéressantes lorsque l’ordinateur fait des choses seul. Donc pendant une performance, il y a pas mal de moments où je n’ai pas besoin d’être en face de l’ordinateur en secouant la tête. A partir de ça, on a commencé à imaginer de petites actions comme sautiller, courir etc. Quelque part c’est devenu un style et les gens s’attendent à cela désormais. 

M: Une bonne performance, selon moi, est soit lorsque ça vous fait réfléchir à rien d’autre ou tout autre chose que ce qu’il se passe. L’immersion complète ou la libération de l’esprit. Peut être que c’est la même chose. Mais pas seulement, ça peut être aussi pointer une chose nouvelle ou différente par exemple ou déplacer le point d’attention ou quelque chose comme ça. Généralement, je pense que ce qui fait une bonne performance (sans aller dans le questionnement de ce qui fait une bonne ou une mauvaise idée) serait quelque chose qui vous pousse, vous et vos idées. Peut être que ça repousse les limites de ce que vous aimez et n’aimez pas. Peut être que ça présente ce que vous n’aimez pas encore et change ce truc en quelque chose que vous pourrez aimer à l’avenir. Peut-être que ça peut consolider le fait que vous n’aimez plus autant certaines choses. Est-ce que ce serait bien cependant ?

Comment approchez-vous le design visuel et les lumières ?

M: On se rend compte que le light design a une tendance à être assez aléatoire. Ça peut être élaboré et fantaisiste mais peu d’artistes imaginent le design visuel avec leur performances. Ceux qui le font, qui ont de gros budgets et ont leur propre équipe technique en tournée, semblent être assez limités à une forme de standardisation dans la création et le contrôle. Ce n’est pas forcément pensé pour aller avec la musique. Je pense que plus d’artistes devraient s’y intéresser, ou que les artistes travaillant avec la lumière devraient collaborer de plus près avec d’autres types d’artistes. La convergence des genres et le fait de penser hors des cadres est plus que jamais pertinent, que ce soit en science, business, dans les technologies ou les arts. 

R: Depuis le début, N.M.O a été conçu comme un projet basé autour du motif. Ce que l’on fait, c’est générer des motifs sonores et lumineux contrôlés par ordinateur.

Vous allez présenter une performance spéciale dans le cadre du Terraforma, où le public sera amené à participer. Pouvez-vous nous en dire plus ?

R: Nous allons jouer dans une sorte de labyrinthe circulaire où le public sera impliqué et où l’énergie va décroître vers la fin. Nous devons encore essayer quelques idées autour de ça et dans le lieu. Le mieux est de venir voir ce que ça donnera.

Qu’est-ce qui vous inspire en dehors de la musique ?

M: La façon dont le monde fonctionne.

R: Twitter.

Avez-vous des projets pour le futur proche ? Des collaborations ou sorties a venir ?

On a un split single à venir avec Ex Continent le boss d’Amonia. On revient à nos racines d’une certaine façon, puis nous ferons une tournée en Angleterre et ailleurs. 

Par rapport à votre façon de faire, votre état d’esprit l’un par rapport à l’autre ?

R: N.M.O est basé sur des tensions entre des opposés. Quand nous trouvons un moyen de combiner ce genre de choses alors tout va vite et c’est très excitant. D’un autre côté, parfois on est bloqués, on se bat à cause de nos visions opposées. Maintenant que l’on habite dans des villes différentes, on essaie de se battre un peu moins.