Album culte, pierre angulaire d’une French Touch qui a conquis le monde avec douceur, Tourist fête ses 20 ans d’activités dans nos bibliothèques et nos têtes. L’occasion d’échanger avec Ludovic Navarre, éternel discret d’une house jazzy qui n’en finit plus de revenir.
« J’essaye de ne pas me répéter ». C’est ce que nous répond St Germain à la question « que faire ensuite ». Difficile en effet de ne pas se copier, de ne pas singer ses propres compositions et ses fulgurances d’autrefois, surtout quand elles sont apparues il y a deux décennies. Tourist, album maître-étalon aux confins de la house et du jazz, premier album de musique électronique paru sur le légendaire label de jazz américain Blue Note, est un classique de notre temps et probablement un petit peu plus. Peut-être son auteur en avait-il conscience. Peut-être que c’est pour cette raison que le temps est passé et qu’il aura fallu 15 ans pour qu’une suite, sobrement intitulée St Germain ne trouve son chemin jusqu’à nous. Un album qu’alors, à « Phonographe Corp », ne nous avait pas totalement séduit.
Peut-être étions-nous tombés dans le même écueil, le même piège dans lequel le producteur ne pouvait que tomber. Une fois un tel album sorti, que faire d’autre ? Est-il envisageable ou même possible de faire mieux ? Et à défaut de faire mieux, quelle tentative serait la plus juste et honnête possible ?
Retourner à la source, au matériel premier : une démarche qui a du sens, très symbolique et parfois tournée en marronnier mais qui a l’immense avantage de faire (re)découvrir les originaux à un nouveau public. Tourist se prend au mot et nous propose un voyage en onze étapes, de la France aux USA, de l’Angleterre à La Réunion. « So Flute », « Sure Thing », « Rose Rouge » se voient reprise par Ron Trent, Nightmares On Wax, Osunlade, Traumer. « En 1990, j’écoutais Ron Trent, Jovonn, Nightmares On Wax entres autres » nous raconte-t-il, « et je les ai associés à ce projet. » Un retour sur ses inspirations et modèles, mais pas que. « J’ai demandé aussi à ceux qui avaient déjà remixés certains titres de mon dernier album St Germain : DJ Deep, Terry Laird, Traumer et bien sûr Mr. Atjazz. » Certains grands manquent à l’appel, la faute à un calendrier pas favorable. « Moodyman, Louie Vega, Kenny Dope, Kerri Chandler… La prochaine fois. » Dans quelle(s) direction(s) lancer tous ces producteurs, une fois le matériel d’origine entre les mains ? « J’ai laissé libre choix à des producteurs de « voyager » sur leur titre préféré. »
Le résultat est plus divers, multiple et coloré qu’on ne l’aurait pensé. La jazz-house laisse la place à une électronique plus deep parfois, plus mélodique d’autres et aussi, plus métissée. Une volonté de l’artiste d’aller chercher d’autres artistes extra-occidentaux. « Je tenais également à des « versions » venant d’Afrique du Sud avec Black Motion et Julian Gomes » nous explique Ludovic. Un clin d’oeil à son précédent long format écrit autour de l’Afrique et de ses musiques et aussi à l’Afrique du Sud, pays où les musiques électroniques sont en plein boom.
Des versions plus complexes, à plusieurs niveaux de lectures, sans se fourvoyer ni altérer le Tourist original. Ron Trent fait du Ron Trent, DJ Deep fait du DJ Deep et Osunlade récite ses partitions – mais avec de tels titres entre les mains, une certaine mélancolie apparaît. Celle de la découverte de la French Touch il y a tant d’années, de cette musique douce et entrainante à la fois, qui a occupé nos playlists pendant longtemps. Ça fait quoi, d’avoir vingt ans ? « À la réécoute de Tourist, j’ai été (modestement !) satisfait de la production… Cela m’a donné envie de repartir dans ce type de mélange Blues, Jazz, Soul, Latin. Je suis en studio actuellement pour un nouveau projet mais chut ! »
St Germain, Tourist 20th Anniversary Travel Versions
Warner Music Group