Call Super - Every Mouth Teeth Missing

Troisième album pour l’anglais Call Super, habitué de nos colonnes et de nos nuits – nous l’avions invité pour nos légendaires quatre ans dans la cale du feu Batofar. Trois ans après son précédent long format Arpo, il poursuit son travail d’orfèvre.

Une dentelle électronique, fine et délicate, minutieusement construite à la main, clic après clic. C’est l’impression qui nous reste après l’écoute d’Every Mouth Teeth Missing, album introspectif qui touche au cinématographique. Un cinéma parfois sombre, tantôt nappé de synthés douceâtres qui ne s’embarrasse pas des questions de genre. L’anglais colle tout, ou du moins plein de choses dans sa formule musicale. Des accélérations house option leftfield, des touches mélodiques empruntées au 8-bit, des claviers plus langoureux : la musique de Call Super a toujours été un patchwork assez unique. Des rencontres impromptues, imprévues et quelque peu forcées qui donnent toute son originalité aux trébuchants et saccadés « Pleasure For Pleasure » et « Opperton Swim ».

Sur le diptyque « Mouth Bank Red » et « Sleep All Night With Open Eye », Call Super change de cap et déroule une musique visuelle, cinématographique. Il peint des tableaux en cinquante nuances de noir, où tout le pouvoir évocatif de sa musique transparait. Bribes de conversations, pianos dissonants, field recording, nappes synthétiques, effets sonores divers… Des éléments que l’on rapprocherait presque à l’ASMR s’ils n’étaient pas trempés dans une encre noire.

Vous l’avez compris : le producteur et DJ londonien est loin d’être mono-maniaque et se permet des écarts étranges. Sur « Pay As U Glow », c’est carrément une flute (un hautbois, pour être précis) que l’on entend. Étrange rencontre de deux mondes inconnus l’un pour l’autre. L’album se conclut sur un titre en miroir de l’ouverture ; « Milkweed », qui clôt ce protéiforme album, est une image de « An Unstable Music », premier sur la tracklist. Une boucle musicale à l’intérieur de laquelle Call Super a une nouvelle fois dérouté son auditeur et su inclure (beaucoup) ses obsessions. Un disque aux nombreuses lectures, aux plusieurs couches sonores polies à la perfection qui résonne différemment selon l’heure du jour ou de la nuit. Un disque qui s’écoutera dans la durée, aussi. Preuve s’il en fallait, il est disponible depuis un mois déjà.