Darren Cunningham revient 3 ans après Ghettoville, un disque où il était question de dégradation, de déclin et de la fin du projet Actress. Le producteur endosse à nouveau le pseudonyme pour une véritable renaissance, incarné par AZD, sorte d’alter-ego et titre de ce nouvel album. 

L’anglais porte sa musique protéiforme dans une direction nouvelle, dans un savant mélange et une recomposition des sonorités qui ont façonné l’univers si reconnaissable d’Actress. L’intro “Nimbus”, n’est pas sans évoquer le minimalisme de son album R.I.P quand “X22RME” rappelle les excursions techno d’Hazyville. Mais qu’on ne s’y trompe pas, tout n’est pas ici nostalgie du passé mais bien vision du futur. Les sonorités sont plus travaillées encore et les structures se font plus surprenantes que dans ses précédents travaux.

AZD se présente avant tout comme une sorte de collage sonore surréaliste, d’où émanent des relents de techno, house ou ambient, formant une sculpture à la fois brillante et absurde. Loin de s’essayer à recréer des genres, Actress invente ici son propre canvas, sur lequel il peint une vision singulière de la musique électronique contemporaine. De nombreux concepts et influences ont nourris ce travail, selon l’intéressé, de la techno de Detroit en passant par l’afrofuturisme, Anish Kapoor ou encore Gabriel Fauré. Il rend d’ailleurs hommage à ce dernier dans le morceau “Faure in Chrome” dans lequel il retravaille des samples du “Requiem” de Fauré, combiné à des sonorités abrasives et une ligne de synthé étrange. “Runner” serait – selon le producteur – sa version de la bande son de Blade Runner, et cela ne semble pas si étonnant, lorsque l’on entends les arpèges de synthé et les accords soutenus par un beat puissant, sonnant à la fois très 80’s et contemporain dans la structure et l’intention.

Ce mélange est souvent présent sur AZD, qui bénéficie d’une cohérence remarquable. “Falling Rizzlas” convoque le sens mélodique et l’étrangeté d’Aphex Twin, tout en conservant ces sonorités propres à Cunningham. “Dancing in the Smoke” avec sample vocal et son atmosphères oppressante et brumeuse, est sans doute le morceau qui est le plus proche du travail accompli sur Ghettoville. Comme sur ce précédent disque, Actress semble mu par une volonté de créer une sorte de malaise,  à travers la corruption d’éléments qui a priori semble être de l’ordre du divertissement ou de la contemplation. “Dancing in The Smoke” ou “There is an Angel in the Shower”, avec ses accords de piano, ses blips et son beat effacé, en sont sans doute les meilleurs exemples. Certains éléments ne semble pas à leur place, viennent comme déranger l’écoute passive ou la danse. C’est précisément cela qui fait l’identité d’Actress et oblige à porter attention à la composition et au déroulement des choses.

Passé maître dans cet art du collage singulier, Darren Cunningham offre avec ce sixième opus un disque évocateur, aussi beau que dérangeant dans son incarnation.