SUMMER JAM, notre série sur nos tubes préférés de l’été, continue ! Après la rave hédoniste et bodybuildée de« Summer Jam (2003) » de The Underdog Project et l’Italo très chaud du cultissime « Boys (Summertime love) » de Sabrina, on prend un peu d’air et de douceur avec une balle funk venue tout droit de Lagos : « Only You », de Steve Monite. 

C’est l’une des plus grosses rééditions de ces dernières années, et l’un des plus gros succès : Soundway Records, spécialiste du genre, touche le jackpot à la fin 2016 en publiant Doing It In Lagos: Boogie, Pop & Disco in 1980’s Nigeria. Tiré du tubesque et très funky « Fella’s Doing It In Lagos » du groupe Hotline qui ouvre la compilation, c’est un pan presque inconnu du patrimoine musical d’une région, d’un pays et d’une ville qui est mis en avant. On dit presque, car les titres et les disques s’échangeaient déjà à prix d’or entre collectionneurs et aficionados de la question. 

Composées et enregistrées au Nigéria et plus précisément dans sa capitale, Lagos, qui grandissait à vue d’oeil grâce à l’explosion de l’exploitation du pétrole, tous ces titres, mis d’abord dans cette grande, informe et très réductrice boite de « World Music » sont évidemment plus que ça. Funk, disco, pop et proto-house même, ils regardent tous directement dans les yeux l’Amérique et l’Europe en suivant scrupuleusement les sorties et les sons du moment. Car nous sommes aux débuts des 80’s : la disco est morte, la house prend de plus en plus d’ampleur, la funk persiste et signe des lignes de basses dantesques et surtout, la production musicale se démocratise. 

Instruments bien sur, mais synthés et boites à rythmes arrivent en masse des USA et du Vieux Continent. Il faut imaginer un carrefour immense de cultures, de musiques et d’origines : Lagos a alors, et de loin, le plus grand nombre de clubs, bars, salles de concerts et studios d’enregistrement de toute l’Afrique de l’Ouest. Mis entre les mains d’une gigantesque scène locale et d’une jeunesse qui vit dans ce bouillonnement culturel, les outils de productions démocratisés sont utilisés à toute vitesse dans un seul but : produire un titre, sortir un disque sur un label pour pouvoir faire des concerts et des DJ sets. 

Dans cette ville de plus de 2 millions d’habitants – aujourd’hui, plus de 15 millions d’âmes y vivent – se cache un certain Steve Monite. On ne sait pas trop comment il y parvient, mais il est repéré et enregistré par Tony Okoroji, un producteur dont la réputation monte en flèche. En 1984, il enregistre donc Only You, un EP de quatre titres, tous écris, composé et chanté par Monite lui-même. 

De tout l’EP, c’est forcément le morceau éponyme qui explose. Ligne de basse fracassante, snares qui claquent dans l’air, effets sonores qui nous envoient vers une sorte d’espace synthétique, la production est au cordeau, clinquante et énergique. Sur tout cela, Monite chante un feu qui ne peut être éteint que par lui-même – et c’est un peu ce que l’on a ressenti à la première écoute. « Only You Steve, Can pull out this fire, Running in my soul » : un « Steve » qui se transforme en « Baby » en cours de route, signe que la personne qui appelle à l’aide a déjà succombé. Les petits cris de plaisir en atteste, il est irrésistible et le sait. Il fait chaud. Symbole d’un début des 80’s brillant, flashy et pimpant dans une Afrique qui regarde vers l’avenir et l’occident, en réaction aux années 70 politisées, conscientes et marquées par le bouillonnement de l’afro-beat, ce morceau est un shot d’énergie cathartique. 

Pourquoi l’avoir choisi comme tube de l’été ? Eh bien, il nous est impossible de se souvenir de la belle saison 2016, de ses fêtes, open air et playlists estivales sans y voir ce tube. D’autant plus que Frank Ocean (OK) puis Theophilus London et Tame Impala (beaucoup moins OK) y sont allés de leurs petites reprises, faisant passer ce titre dans une autre dimension.

En 2017, le label autrichien PMG, structure spécialisée dans l’acquisition et la réédition de disques rares, sans réelle DA, distribue Only You, l’album original. Plusieurs titres dont le classique de Monite figurent sur ce disque qui, pour beaucoup, sonne « comme si le son sortait d’une canette ». Ce qui, à en voir le reste des commentaires, n’est pas nouveau venant de PMG : préférez alors la version de Soundway Records, beaucoup plus respectueuse du travail original de Steve Monite, de son producteur Tony Okoroji et du groove. En musique aussi, il faut faire attention à la qualité du produit.

La semaine prochaine, grosse chaleur : « La Nuit des Requins », de La Compagnie Créole bien sûr !