Pensez à une musique qui jacke comme si elle provenait de la Windy City, parfumée avec des rimshot de 707 et de la 303 ainsi que d’autres sonorités bien sales. Rajoutez à cela une certaine solennité, des mélodies attractives ainsi que des grooves funky qui pourraient très bien provenir de machines cachées au fond d’un garage dans le Michigan. On ne vous parle ici ni de la petite cousine de Kyle Hall, ni de la tante cachée de Green Velvet. Il s’agit de John Heckle, un artiste anglais qui nous vient de Liverpool.
Bénéficiant d’un grand frère impliqué dans l’organisation d’événement techno à Liverpool, John aurait très bien pu ne jamais s’intéresser à la house. En effet, lorsque l’on regarde l’héritage très riche qu’offre l’Angleterre en terme de techno, Dave Clark, Surgeon, Regis, James Ruskin, il aurait été fort possible que l’artiste que l’on connaît ne puisse pas voir le jour. Baignant dans cette musique depuis ses 15 ans, il a longtemps été pour lui uniquement question de techno. Si plus jeune cette musique et les mixes à 3 platines lui ont permis de se faire un solide bagage, c’est aujourd’hui peut-être la cause de cette petite réminiscence de Détroit sur certains de ces tracks.
Malgré cette prédestination pour la techno, c’est un disque en hommage à Larry Heard produit par Jamal Moss aka Hieroglyphic Being qui ouvre le jeune homme à la house et lui permet d’apprécier la pluralité et complémentarité des styles offerts par cette culture. En tant que jeune artiste, il s’était déjà fait les dents sur des EPs techno via son premier pseudo Hek. Mais le véritable tremplin c’est Life On Titan paru sur Mathematics. L’EP tourne autour d’un synthétiseur Juno dont on ne se lasse pas, avec une face A qui tient sur une mélodie énergique et cosmique, encore aujourd’hui.
Homme de rencontre, il fait la connaissance du fondateur de Mathematics lors d’une soirée, puis l’alpague sur Myspace et lui envoie des tracks inspirés de sa musique. L’alchimie opère et ce premier EP signe le début d’une série de parutions dont un premier Album, Second Son, extrêmement ambitieux. Son mini album The Last Magic Maker paru sur Crème Organisation un an après, ne déçoit pas non plus. La chose résulte également d’une rencontre fortuite initialement partie d’un achat de disque. Ces deux labels emblématiques de cette nouvelle scène ainsi que Tabernacle Records sont les trois entités clés de la carrière de l’artiste. Il a récemment sorti un EP Baiyun Moutain sur M>O>S, le label d’Aroy Dee, et un disque avec Perseus Traxx et Ksoul & Muteoscillator sur Scenery.
Si l’on peut aisément définir un dénominateur commun des travaux de M. Heckle, c’est la “Rawness” de ses tracks. Cela peut s’expliquer par cette passion pour le hardware et les sons chauds et consistants qui se dégagent des machines, non sans quelques aspérités. Ces dernières sont finalement le résultat d’un mode opératoire live et qui influe très probablement sur sa capacité à faire sonner un disque autrement que de cette manière-là. Cette lacune du procédé ou cette fausse négligence du travail de fréquence et de mixage, constitue finalement l’atout majeur du talent de cet artiste qui sublime ses harmonies très biens pensées avec ce son qui gratte et qui crache.
Néanmoins il serait trop réducteur de le circonscrire uniquement à cet adjectif. Le mode de production analogique et les prises de “livejam” lui offrent de la spontanéité dans son approche de producteur. Si cette façon de produire amène les artistes à être bien plus prolifique qu’un artiste de studio classique, le niveau de ses jams reste malgré tout bien supérieur à ceux de bons nombres d’adeptes de ce procédé, et ses disques ne tombent pas forcément dans l’écueil d’une compilation de jams à moitié finie. La qualité de ses remixes atteste également sa capacité à produire et montre également la possibilité pour lui d’adapter son processus créatif à d’autres exercices de style. Si John Heckle est un producteur au son crade et suintant; ses compositions n’en demeurent pas moins explosives et pleines de bons sens.
Sur scène John Heckle est polyvalent. Ses lives synthétisent parfaitement l’envergure du producteur, sa passion pour le hardware, ses aptitudes à improviser et à maîtriser ses machines. Ses DJ sets sont le reflet d’un parcours musical particulier, 3 platines pour une adolescences passée sous le joug d’une techno anglo-saxonne rapide et percutante, une boîte à rythme – parce que Jeff Mills fait des miracles avec la sienne lors de ses DJ sets et qu’il serait dommage de ne pas jacker sur de la 707 entre deux disques. Côté sélection, l’artiste de Liverpool est large et fait la part belle aussi bien à la house qu’à la techno.
Bref, John Heckle est un artiste complet qui est à prescrire aussi bien dans les bacs à disques que dans les DJ booths et pour cause c’est la raison pour laquelle nous sommes fiers de l’inviter à notre Disquaire Day à La Rotonde ce samedi 22 avril ! Toutes les infos sont sur Facebook.