SUMMER JAM, épisode n°4 ! Avant de marquer une petite pause estivale et de revenir plus reposé que jamais, on s’attarde aujourd’hui dans un océan de chaleur : celui de l’inoxydable Compagnie Créole et de son hymne « La Nuit des Requins », titre phare d’un retour en grâce du zouk et des musiques antillaises et caribéennes. « Faut y aller, faut y aller ! »
Retrouver les précédents épisodes de notre série consacrée aux tubes de l’été : l’eurodance de The Underdog Project, l’Italo de Sabrina et le groove funky de Steve Monite.
On pourrait dater exactement ce retour en grâce. Le huit juillet 2016 lorsqu’Heavenly Sweetness, label jazz-mais-pas-que, dirigé par Franck Descollonges, édite sous le doux nom de Digital Zandoli une compilation consacrée aux musiques antillaises et caribéennes. Douze titres entre zouk, biguine et synthés, tous droits venus des années 80, sélectionnés par Julien Achard et Nico Skliris et qui vivront alors une nouvelle jeunesse et feront le tour de nos playlists.
Tous ces titres s’échangeaient auparavant entre collectionneurs et connaisseurs à prix d’or : le zouk était devenu, étrangement ou non, accepté, recherché et intronisé dans des cercles de musiques aventureuses et indépendantes. À la manière du rap ou du dancehall plus récemment, on n’hésitait plus à glisser une balle zouk dans un DJ set dit « sérieux » : en plein marathon house, disco ou funk, lancer un titre venu des Antilles fonctionnait à tous les coups.
Pourquoi, au-delà du décalage entre ces deux mondes, un titre zouk déclenchait presque automatiquement des déhanchés acrobatiques ? C’est que chaque écoute nous rapprochait d’une époque inconnu mais dont les vibrations nous sont parvenues à travers des revivais et tournées de stars 80. Celle où La Compagnie Créole était l’un des plus gros vendeurs de disques en France, qui enchainaient alors les tubes et les albums à une cadence folle. Groupe superstar parmi toute une immense scène antillaise que l’on n’a pas fini de découvrir, La Compagnie est encore en activité et continue de chanter cette fameuse nuit des requins, où il faut y aller / faut y aller.

Le titre sort en 1984 sur l’album Le Bal Masqué ; le groupe est alors à son apogée. Fondé dix ans plus tôt, Arthur Apatout, Clémence Bringtown, Guy Bevert, José Sebeloué et Julien Tarquin chantent à leurs débuts en créole et ont quelques succès d’estime. Le fossé avec la gloire est encore grand, la France n’est pas très au fait des cultures de ses DOM-TOM. En 83, ils sont contactés par Daniel Vangarde – de son vrai nom Bangalter (oui, c’est bien le père de). Producteur et parolier, patron du label Zagora, il propose au groupe de chanter en français et signe les paroles de leur premier gros tube, « C’est bon pour le moral ». Carton immédiat, mais réception froide du côté des Antilles. « On a été beaucoup critiqués au pays » raconte José Sebloué dans Le Parisien. « On nous reprochait alors, non sans raison, de n’être pas assez authentiques. En même temps, nous avons ouvert la voie à des gens comme Kassav’ ou Zouk Machine. »
Guyanais, Martiniquais et Guadeloupéen, les membres du groupe sont accusés de se dévoyer de leurs cultures et langage. La Compagnie se défend, mais continue surtout d’enchainer les succès ; disques d’or, tournées à rallonge dans le monde entier et tentative de participation à l’Eurovision.

Régressive, naïve et bon enfant, leur musique est une immense image d’Épinal. Colorée, douce, joyeuse, loin de tout problème social et très écartée des rapports entre la métropole et ses territoires aux Antilles. Qu’importe, après tout : La Compagnie, aidée par Vangarde et imparfaitement, a popularisé le zouk, le créole et une part de la culture.
Quant à « La Nuit des Requins », impossible de savoir le véritable sens de cette chanson. Toujours est-il qu’il est un peu à part dans la discographie du groupe, au même titre que l’est « A.I.E. (A Moun’La) » : pleinement dirigé vers le dancefloor, ultra-produit et DJ-friendly. On sent alors toute la patte de Vangarde, qui a composé et produit le titre. À la même époque, il s’occupait d’Ottawan, des Gibson Brothers, de Sacha Distel et de Dalida : de grosses machines disco qui remplissaient les bandes-son des clubs de l’époque. Surtout, c’est un titre à tiroir, qui s’emballe à mi-chemin : des percussions font leurs entrées et emportent les « Oh oh oh oh oh » dans une stratosphère du groove.
Imparable, indispensable même – oui, vous avez bien lu – car répétitif et enfantin, « La Nuit des Requins » est, probablement, le meilleur titre de La Compagnie. Il sonorisera encore notre été et le vôtre, ne nous remerciez pas.
BONUS ! On a une petite histoire à vous raconter : elle n’est pas de nous, mais de Fabien* (prénom modifié). Il nous raconte dans un email un week-end de vacances où, après avoir lu notre article sur “Summer Jam”, il l’a écouté non-stop. C’est à lire par ici !
Si vous avez des histoires de tubes de l’été, des anecdotes en tous genres avec l’un ou l’autre des titres choisis comme celle-ci, écrivez-nous ! On publiera, en changeant les noms, pas de panique.