Ce n’est un secret pour personne : la crise sanitaire, le confinement d’abord puis tous les changements dans nos habitudes ont pesé et pèsent toujours sur nos corps et nos esprits. Loin de nous apaiser, la quasi-interdiction de relations sociales, l’absence de distractions autres que celles autorisées – c’est-à-dire, très peu – minent nos morals. Pas de la même façon bien sur ni avec la même intensité sur chacun et chacune. Force est de constater que l’incertitude globale de nos quotidiens, couplé à nos obligations matérielles, nos finances possiblement impactées par la crise et un état de santé changeant terminent un tableau quelque peu sombre.

Dans ce monde des musiques électroniques de danses mit à l’arrêt, artistes et mélomanes se sont tournés vers des formes d’écoutes plus relaxantes, plus douces. L’ambient est ressorti du coin où il était trop injustement enfermé depuis des années : la musique adoucît réellement les moeurs, les corps et les esprits. 

C’est pourquoi, tout au long du mois de novembre – réputé pour être le mois le plus déprimant de l’année, nous allons nous pencher sur les bienfaits de la musique électronique et thérapeutique à travers plusieurs enquêtes et portraits d’artistes d’ici ou d’ailleurs, de notre temps ou d’il y a quelques décennies. Après être parti à la rencontre d’artistes, de producteurs et de productrices qui pratiquent la relaxation musicale et la sonothérapie et s’être penché sur le retour de l’ambient, nous nous dirigons vers deux artiste qui lient méditation et musique électronique. Toujours, en espérant que cela vous apporte un peu de douceur. 

Méditation et musique électronique fusionnent, faisant de leur terrain de chasse un espace entre l’ambient et les inspirations new age & space music. Et si Brian Eno ou les environnementalistes japonais Hiroshi Yoshimura et Midori Takada n’ont jamais prétendu un engagement curatif de leur musique, certains l’ont affirmé à leur manière. Nous vous proposons de découvrir deux d’entre-eux, deux artistes d’avant-garde tous les deux inspirés par le lien méditatif et curatif de leurs productions cosmiques.

Laraaji

Pionnier et figure du mouvement New Age dans les années 70, son oeuvre, vaste, croise le chemin de Brian Eno (le volume III de la série Ambient Days of Radiance en 1970, un chef-d’œuvre d’unité timbrale) et se reconnaît entre mille de par son aspect spirituel et méditatif qui caresse aussi bien l’ambient, le gospel, les influences indiennes que le classique et le dub. Vous l’aurez compris, une myriade d’inspirations !

Né à Philly dans les années 40, Laraaji part étudier à New York la musique classique avec une formation initiale au piano. Parallèlement, il commence à s’intéresser à la religion et philosophie orientale et s’initie peu à peu à la méditation, cet « éveil sonore » comme il l’appelle, va être marqué par sa rencontre avec la cithare ou l’autoharpe électronique – mélange de cithare et de harpe électrique. Un instrument traditionnel et ancestral aux richesses soniques uniques, dont il a la maîtrise comme personne. L’élément majeur de son esthétique va devenir d’une certaine manière la marque de fabrique de ses oeuvres et performances musicales dans son ensemble.

Très actif en matière de production, Laraaji sort beaucoup de choses. Environ un album tous les deux ans depuis les années 80. Changeant selon son état d’esprit du moment. Cette année par exemple – sans doute exceptionnelle – il a signé une trilogie au piano avec le récent Sun Piano, Moon Sun et Through Luminous Eyes, chacun enregistrés dans une église au coeur de Brooklyn. Entre 2017 et 2018, il réunissait une autre trilogie, solaire : Sun Transformations, Sun Gong et Bring in the Sun sur le label britannique All Saints Records.

Si vous voulez éviter que l’on rembobine sa discographie année par année, remerciez l’ingénieux label du West End londonien pour son travail de compilation en 2013 réunissant les morceaux phares entre 1978 et 2011 sur Celestial Music (1978-2011). Et au-delà des nombreux enregistrements studios, Laraaji réalise beaucoup de performances, que ce soit en festivals ou dans de nombreux culturels et souvent insolites.

ROBERT RICH

Artiste pour le moins atypique et avant-gardiste dans son expérimentation, Robert Rich s’érige dans la catégorie de l’outsider issu du cosmos. Entre space-music, dark-ambient et drone, le terrain du monsieur vous embarque entre rêves cosmiques et sommeil inspiré.

Enfant des 80’s, il élabore ses propres synthés analogiques à l’âge de 13 ans et rentre à la prestigieuse école de Stanford, le Center for Computer Research for Music and Acoustic (CCRMA) avec laquelle il va élaborer et constituer des projets novateurs. Jouant un large éventail d’instruments, il est aussi à l’aise sur des synthés et des racks d’effets qu’à la batterie et la flûte. L’intérêt principal réside dans son approche électroacoustique et le lien qu’il élabore avec la psychologie.

La création d’un format de « concerts de sommeil » qui durent toute la nuit, fait son apparition en 1982 à San Francisco. En témoigne les albums Trances/Drones et Geometry, tous deux issus de ces premières performances. En 2001, il réinterprète ces fameux évènements avec son projet studio « Somnium », une oeuvre guidant l’auditeur à travers un paysage de rêve en constante évolution, avec des niveaux de détails subtils, stimulant à la fois l’attention active et l’écoute en arrière-plan.

Vagues océaniques, instruments tribaux, mélodies fantomatiques et textures virevoltantes, la performance de Rich est clairement inédite. On devine facilement l’emprise de sa musique, mystérieuse et envoûtante, sur le spectateur, qui le plonge dans un univers de rêves et de plénitude. Malgré certains passages plus sombres et une ambiance bruitiste omniprésente, l’oeuvre qui en ressort sur Trances/Drones et Geometry prends aussi des variations tantôt rassurantes, grandioses et joyeuses. On voit bien aujourd’hui des projets de ce genre, se réaliser sur le public en recherche de sensation, de calme et d’apaisement.

De notre côté, on tente tant que bien que mal de trouver l’état de relaxation à travers ce genre de références. On suggère l’écoute et la recherche de ces musiques contemplatives et méditatives pour habiller votre espace, et vos ambiances, sans justement y faire trop attention. Voyez où ça vous mène, tant que les concerts et évènements n’auront pas repris. En effet, selon Brian Eno « la musique ambient doit être capable de s’adapter à de nombreux niveaux d’attention d’écoute sans obliger l’auditeur à en adopter un en particulier ; on doit pouvoir l’ignorer autant que s’y intéresser. » (Modulations, par Tony Marcus).

Retrouver notre enquête “musique électronique, musique thérapeutique et sonothérapie”.