Ce n’est un secret pour personne : la crise sanitaire, le confinement d’abord puis tous les changements dans nos habitudes ont pesé et pèsent toujours sur nos corps et nos esprits. Loin de nous apaiser, la quasi-interdiction de relations sociales, l’absence de distractions autres que celles autorisées – c’est-à-dire, très peu – minent nos morals. Pas de la même façon bien sur ni avec la même intensité sur chacun et chacune. Force est de constater que l’incertitude globale de nos quotidiens, couplé à nos obligations matérielles, nos finances possiblement impactées par la crise et un état de santé changeant terminent un tableau quelque peu sombre.

Dans ce monde des musiques électroniques de danses mit à l’arrêt, artistes et mélomanes se sont tournés vers des formes d’écoutes plus relaxantes, plus douces. L’ambient est ressorti du coin où il était trop injustement enfermé depuis des années : la musique adoucît réellement les moeurs, les corps et les esprits. 

C’est pourquoi, tout au long du mois de novembre – réputé pour être le mois le plus déprimant de l’année, nous allons nous pencher sur les bienfaits de la musique électronique et thérapeutique à travers plusieurs enquêtes et portraits d’artistes d’ici ou d’ailleurs, de notre temps ou d’il y a quelques décennies. Après être parti à la rencontre d’artistes, de producteurs et de productrices qui pratiquent la relaxation musicale et la sonothérapie, nous nous penchons sur ce style musical qui fait son grand retour, l’ambient. En espérant que cela vous apporte un peu de douceur. 

Confinement, boulot, ambient

Genre peu plébiscité il y a encore quelques années, l’ambient est, depuis le début de la crise sanitaire, de l’arrêt des clubs et du stress permanent, un allié musical de choix. Un allié qui nous veut du bien, qui nous relaxe, nous apaise et nous soigne. Popularisé par notamment Brian Eno sur son album Ambient 1 (Music For Airports) sorti en 1978, le genre a connu au fil des inventions technologiques et du développement des synthétiseurs notamment une immense évolution. Avec en point d’orgue la décennie 1990 où, entre-autres, Aphex Twin, Boards Of Canada, The Orb ou encore Autechre ont poussé l’image new-age dans de nouveaux recoins. 

Si vous nous suivez avec plus ou moins d’assiduité, il ne vous aura pas échappé que l’année dernière, nous vous parlions de l’ambient au pays du Soleil Levant, à travers la compilation Kankyo Ongaku éditée par Light In The Attic. Ou que depuis janvier dernier, nous avons chroniqué une douzaine de disques qui touchent à l’ambient, sous une forme ou une autre : de la compilation The First Circle sortie sur le label Neroli, de l’envoutant Lord Of The Isles via AD 93 (ex-Whities) en passant par l’hypnotique The Goddess Is Dancing de D.K. ou encore une autre compilation, chez Public Possession cette fois, Chill Pill II. Toutes les sorties estampillées ambient n’y sont pas, car il est impossible d’être à jour. Mais que cela soit un album original, un EP, une réédition ou bien une compilation, le genre a trouvé sa place sur tous les formats. 

Une place qui s’est faite de plus en plus grande depuis le début de la crise sanitaire. Certes, un disque se planifie parfois des années à l’avance et il ne serait pas tout à fait vrai d’affirmer qu’un confinement est à l’origine de toutes ces sorties. Force est de constater que leurs impacts sont plus importante qu’auparavant. À quoi bon écouter de la musique club lorsque cet espace est fermé à double tour depuis 8 mois ? Impossible de s’infliger de longues sessions dancefloor dans son salon ou ses écouteurs sous peine de se morfondre en repensant à nos libertés de mouvement perdues et à ces longues nuits blanches.

Lounge toujours

Du calme, dans un monde où le bruit et la fureur règne de plus en plus, l’ambient en apporte. Les artistes et les musiciens s’en emparent sans être familier de l’exercice. Car pour eux aussi, créer une musique fonctionnelle, celle du club, n’est plus autant à l’ordre du jour. En juin dernier, Maelstrom, DJ, producteur et co-fondateur du label RAAR, prophétisait presque ce mouvement dans une enquête publiée dans nos colonnes. « Je n’aime pas trop faire de prédiction, mais une des possibilités serait de se tourner vers des musiques plus contemplatives, et peut être moins immédiates – peut-être aussi avec une dimension presque thérapeutique. On sait que les musiques répétitives ont été utilisées et pratiquées depuis des millénaires pour accéder au divin, à la transe, à des états modifiés de conscience, et que c’est un moyen de trouver une forme d’équilibre. »

Une reflexion qui fait mouche, que l’on retrouve chez plusieurs artistes et qui atteignent de plus en plus d’auditeurs, mais qui pourrait également être dévitalisée. Pour faire simple, c’est ce qu’il s’est passé durant une bonne partie des années 00’s : l’ambient était alors assimilée à de la muzak, une musique de décoration et d’habillement, fonctionnelle car destinée pour des lieux où l’écoute de la musique n’était pas le but. Boutiques, ascenseurs, hall d’aéroports, l’ambient, terme il est vrai un peu fourre-tout, s’est retrouvée accolée à la musique lounge. Ce que détaillait Patrick Thevenin dans i-D, il y a quelque temps. « Le risque étant, comme avec la vague lounge des 00, que le genre soit récupéré par toute la vague relax-cool rabâchée par les magazines lifestyle et s’impose comme la bande-son idéale des obsédés du yoga, de la relaxation, du shiatsu, de la méditation, du chaï latte et du développement personnel, pour redevenir un papier peint sonore juste bon à accompagner un documentaire animalier. »

Il y a du vrai. Mais le self-care – l’idée de s’occuper de soi, de faire du bien à son corps et son esprit – est plus qu’un agrégat new-age. C’est aussi l’idée de vivre mieux en s’accordant du temps pour soi, libre de toutes contraintes comme le détaille Slate. S’il est sonorisé par des vagues synthétiques apaisantes, un fiel recording doux, des arpèges cristallins et une bonne vague de zen, c’est une belle chose. Joakim, sur FIP : « je pense que ça correspond à une ère du temps où le bien-être, la méditation, le yoga forment un ensemble où la musique ambiante vient remplir une case là-dedans, pour le meilleur ou pour le pire. »

Pour aller plus loin, retrouver notre article « Musique électronique, musique thérapeutique : soigner par les ondes »