Après Central Processing Unit, Favorite Recordings ou encore le Japon, voici notre nouvelle label week : Music From Memory ! Fondé en 2013 par Jamie Tiller et Tako Reyenga, ce label de rééditions (mais pas que) se tourne autant vers l’ambient que la pop déviante ou le club, mais avec toujours ce goût pour l’inattendu, le pas de côté, l’expérimentation.

Toute la semaine, nous allons faire un plongeon chez Jamie & Tako donc, dans leurs disques qui élèvent l’âme : il y aura un radioshow spécial sur les ondes du Mellotron, une chronique d’Origens Da Luz, réédition sublime de l’artiste brésilienne Priscilla Ermel, pleins de tracks sur les réseaux sociaux, un détour par les formidables ambiances sonores des italiens de Ruins et un portrait du flamboyant chanteur et musicien Richenel

Mais au fait, c’est quoi, l’esthétique de Music From Memory ? 

Music From Memory, la musique de la mémoire : derrière ce nom poétique se cache la référence à un album de Vito Ricci, et surtout, de multiples rééditions, fruits d’un gros travail de recherche de la part des fondateurs du label, Jamie Tiller, Tako Reyenga et Abel Nagengast.

Chercher à définir Music From Memory, c’est toujours se heurter au même problème : le manque de mots pour décrire les sorties et leur style musical. Car la spécialité du label, c’est de ressortir des cartons des pépites hybrides, n’ayant pas eu à l’époque de leur sortie la renommée méritée, sans doute justement à cause de leur aspect inclassable. Savants fous, les artistes mis en avant par Music From Memory sont des expérimentateurs, des opérateurs d’hybridations (et ça marche) : de l’ambient funky, de la new wave brésilienne, de l’électro au glockenspiel, de la soul à la sauce Twin Peaks… Et lorsque l’on peut classer un disque dans un genre particulier, il garde toujours quelque chose d’extrêmement singulier, qui l’éloigne de toute position paradigmatique. Les disques estampillés Music From Memory sont des en-dehors ; ils font mentir les typologies. C’est peut-être ainsi que le label semble s’affranchir du temps, et proposer des bijoux hors de leur époque et de la nôtre. L’esthétique Music From Memory donne l’impression de nous arriver d’une autre planète, qui aurait connu un développement historique et musical différent. Un monde parallèle, en somme, à la fois étranger et venu du fond des âges. Et pour s’orienter dans un catalogue déjà bien fourni, voilà une petite sélection de nos coups de cœur.

It truly sounds like that, somehow, magical !“. Et en effet : ce disque des plages dépasse son aspect classique de musique d’ambiance ensoleillée grâce aux harmonies recherchées et ses accents parfois plus obscurs.

Encore un ovni, “El salto del martin” nous vient d’un guitariste, et cela s’entend dans le très beau tressage des cordes. Poétique, ensoleillé, et délicat.

Ce petit chef-d’oeuvre, qui lorgne vers l’expérimental, déploie une ambiance singulière : à écouter dans le noir, et surtout pas en toile de fond – d’autant plus quand le kick fait son entrée, rendant le tout plus intense.

Douceur et mélancolie : il faut s’y laisser porter par cette voix qui chuchote, parle et chante, parfois un peu faux, dégageant alors une très belle fragilité.

Ici, c’est l’intelligence rythmique qui surprend, et donne un objet funky très particulier. Tendez aussi l’oreille sur le mélange des timbres, combiné à celui des percussions …

Music From Memory s’aventure parfois du côté de la synth-pop, et le fait brillamment : exemple avec “Find it in your Eyes”, son univers à soi et ses timbres cosmiques.

Synth-pop, mais aussi new wave et post punk, qui portent pourtant toujours quelque chose de très singulier ; dans “Mein Tanzlied”, cette patte inimitable vient sans doute du mariage des timbres typiques de la new wave avec les cuivres disco, deux univers à priori irréconciliables.

Là, impossible de se borner à un seul morceau ; “Sem Teto” est issu de l’une des deux compilations de musique brésilienne de Music From Memory. Chaque piste vaut le détour, celle-ci n’en est qu’un avant-goût et ne peut refléter la variété offerte dans la sélection du label.

Rythmiquement, c’est excellent, et au-delà de cela, le point d’équilibre entre danse et expérimentation musicale est parfaitement jaugé. Là aussi, il faut écouter tout le disque !

À nouveau, de l’excellente ambient : à approcher en songeant au titre, et en tentant de déceler le contrepoint des différentes lignes mélodiques.

Petit bijou assez inqualifiable, comme souvent chez Music From Memory, entre synth-pop et électro.

Petite bombe de dancefloor, qui brille justement par son aspect paradoxal ; quelque chose de new wave, une pincée de disco, des basses de dub, le tout détonne.

Un peu de français pour finir, pour le plaisir. Et un prétexte impeccable pour découvrir cette autre excellente compilation, “Uneven Paths : Deviant Pop from Europe, 1980-1991”.